Episode 2 – La marque sonore : beaucoup de bruit pour rien ?

03/08/21
Episode 2 – La marque sonore : beaucoup de bruit pour rien ?

La réforme du droit des marques permet dorénavant l’enregistrement d’une marque reproduite dans un fichier MP3

… et donc d’associer un produit ou un service à un ou plusieurs sons. Au-delà du classique jingle, on peut ainsi penser désormais à protéger le rugissement d’un lion ou la prononciation spécifique d’une marque.

Dans cette optique, la protection pour de simples sons a donc été tentée. Or, ces marques doivent tout autant respecter les critères de validité de toute marque.

Les critères d’appréciation du caractère distinctif de telles marques par les Offices se précisent avec la jurisprudence et notamment la décision du Tribunal de l’Union Européenne du 7 juillet 2021[1].

En l’espèce, l’élément sonore refusé consistait en un bruit d’ouverture d’une canette de boisson, suivi d’un silence d’environ 1 seconde et d’un pétillement d’environ 9 secondes pour désigner des produits correspondant à des cannettes et boissons alcooliques et non alcooliques.

Le titulaire de la marque reprochait à la chambre de recours de l’EUIPO d’avoir rejeté sa demande en appréciant sa distinctivité en fonction du critère établi à l’égard des marques tridimensionnelles.

En effet, la Chambre de recours a motivé son refus en estimant que la marque consistait en « un son inhérent à l’usage des produits en cause, de sorte que le public pertinent percevrait ladite marque comme un élément fonctionnel et une indication des qualités des produits en cause et non comme une indication de leur origine commerciale ». Et que le « bruit » envisagé « devait diverger de manière significative de la norme ou des habitudes du secteur pour remplir sa fonction d’indication de l’origine commerciale des produits en cause ».

Le tribunal confirme que ce critère d’appréciation (applicable aux marques tridimensionnelles) n’est pas adéquat au cas d’espèce (à savoir la marque sonore) mais maintient cependant la décision dans la mesure où cette erreur n’est pas selon lui de nature à vicier le raisonnement dans la mesure où la Chambre des recours a, en plus des critères inhérents à la marque tridimensionnelle, émis d’autres critères permettant de conclure au rejet de cette demande.

La Chambre des recours relevait effectivement que l’élément sonore revendiqué à titre de marque doit présenter les caractéristiques suivantes pour constituer une marque :

  • Une certaine prégnance
  • Ou une certaine capacité à être reconnu, permettant aux consommateurs ciblés de le considérer « comme une indication de l’origine et non simplement comme un élément fonctionnel ou une indication non porteuse d’un message »

Comment ces critères seront-ils appréciés ?

Que signifie exactement avoir de la prégnance pour un bruit ?

Comment savoir si un bruit détient la capacité suffisante à être reconnu (quel degré est suffisant) ?

En tout état de cause, cette jurisprudence clarifie le fait qu’un bruit déposé à titre de marque qui présenterait un rapport direct avec les produits et ou services visés ou serait inhérent à leur usage serait rejeté pour défaut de caractère distinctif.

A titre d’exemples :

Ont ainsi été refusé :

  • le bruit que fait le briquet zippo à son ouverture pour désigner des briquets en classe 34 (marque UE No. 017894271)
  • Le bruit d’un scooter électrique pour désigner des scooters électriques en classe 12 (marque UE No. 017889555)

et pourtant …

On constate certaines contradictions dans les décisions de l’EUIPO qui a validé l’enregistrement d’une marque sonore consistant en un bruit d’ouverture d’un bouchon de champagne pour désigner notamment des bières et des boissons alcoolisées en classes 32 et 33 (No. 018050973).

Ce bruit n’est-il pas inhérent à la nature des produits désignés (boissons gazeuses) ?

Ce bruit qui, bénéficie sans conteste d’une forte capacité à être reconnu, n’est-il pas le résultat d’un élément fonctionnel ?

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En dépit de ces difficultés d’appréhension des critères de la distinctivité des marques sonores, il est important de relever le grand avantage que peut présenter ce type de dépôt en particulier pour les titulaires qui n’ont pu obtenir l’enregistrement de leur slogan titre de marque (au titre d’une marque verbale).

En effet, on constate que bon nombre de marque sonores enregistrées contiennent des jingles ou des slogans.

A titre d’exemples :

  • La marque française No 4647703 « Les routiers sont toujours aussi sympas » enregistrée au nom de Radio Vinci Autoroutes pour désigner notamment des logiciels (en classe 9), des services de télécommunication (en classe 38) et des services de divertissement (en classe 41).
  • La marque de l’Union Européenne No. 018046053 enregistrée au nom de Merz Pharma GmbH & Co. KGaA pour désigner notamment des produits de toilettes en classe 3, des compléments nutritionnels en classe 5 et des services de publicité en classe 35.

Nous ne doutons pas que la marque sonore devienne rapidement un type de marque aussi prisé et efficace qu’une marque verbale ou figurative, d’ailleurs certains opérateurs économiques influents ont d’ores et déjà investi les registres (en particulier dans le domaine du champagne). Nous restons à l’écoute de vos besoins et pouvons vous aider à protéger votre identité sonore.

Pour vous replonger dans l’épisode 1, c’est par ici !

[1] Affaire T-668/19, du 07/07/2021; Ardagh Metal Beverage Holdings GmbH & Co. KG contre EUIPO
Pour aller plus loin