L’arme fiscale – ou comment gérer sa sortie de crise de façon stratégique…

21/04/20
L’arme fiscale – ou comment gérer sa sortie de crise de façon stratégique…

L’attente immédiate et légitime des entreprises de toute taille et de tout secteur est de bien comprendre et surtout , de mesurer la portée de l’ensemble des mesures fiscales adoptées dans le contexte de l’épidémie du COVID-19 afin de pouvoir bénéficier des dispositifs de report dans le paiement de certains impôts, de remises de certains impôts, pénalités et intérêts, de remboursement accéléré de certains crédits d’impôts et, partant, de s’offrir une bulle d’oxygène financière dans un contexte de trésorerie très compliqué.

Et pourtant, une approche stratégique et clairvoyante oblige à adopter une vision moins court-termiste et plus prospective : en effet, dans un contexte de déconfinement prochain annoncé, et ce, même s’il sera certainement très long et sporadique, il est indispensable de se projeter sur les actions qui pourront / devront être mises en œuvre afin de redynamiser le chiffre d’affaires des entreprises et groupes frappés de plein fouet par une période de disette financière.

 

Pour y parvenir, les entreprises devront bien souvent repenser leur positionnement et imaginer de nouveaux services, de nouveaux produits, bref de nouvelles offres. La conduite de ces actions ne pourra se faire qu’au prix d’efforts financiers importants alors même que leur situation de trésorerie a déjà été mise à rude épreuve par la pandémie.

 

Dans ce contexte, une fois n’est pas coutume, la fiscalité peut s’avérer un précieux allié en permettant par des actions concertées et appropriées d’améliorer la situation financière des entreprises.

Il ne s’agit pas de créer de nouvelles règles fiscales ou de détourner les règles existantes mais simplement de choisir habilement certains dispositifs et d’articuler des règles fiscales existantes à bon escient.

 

La trêve fiscale imposée par la combinaison de plusieurs lois d’urgence et ordonnances[1] laisse précisément le temps à la réflexion et à l’action puisque les délais « d’action » au sens large sont à bien des égards prorogés.

 

On peut, à titre d’exemple, évoquer quelques pistes de réflexion qui pourraient s’avérer fructueuses à la condition d’avoir été correctement pensées et explorées.

Cela supposera au premier chef pour toutes entreprises désireuses d’entreprendre une telle démarche de dresser un état des lieux, un bilan de la situation post déconfinement au moyen de projections financières réalistes.

L’entreprise s’inscrivant dans cette logique devra également faire un état de ses besoins, de ses ressources et de ses objectifs.

 

Ainsi, les rapprochements d’entreprises via différentes méthodes pourront s’avérer pertinents.

 

Le rapprochement pourra se matérialiser via des partenariats structurés par exemple sous la forme de joint-venture permettant une mutualisation de l’effort et du risque financiers ainsi qu’une meilleure force de pénétration sur certains marchés.

 

Il faudra aussi sans doute renouer avec les opérations de LBO (« Leveraged Buy Out ») sans pour autant re créer une bulle du LBO telle que mise en évidence par la crise financière de 2007-2008 afin de profiter des liquidités des acteurs du private equity et de stimuler la croissance de l’entreprise sous LBO et la rentabilité des capitaux propres.

 

Les entreprises portant de nombreux actifs incorporels tels que des brevets ou logiciels protégés par un droit d’auteur pourront, de leur côté, s’interroger sur les opportunités d’une opération de croissance externe – ce qui s’apparente également à un mode de rapprochement – ou d’acquisition de certaines lignes d’actifs ou d’actifs isolés réduisant leur taux effectif d’imposition en améliorant leur approche Nexus.

 

La question de l’opportunité de la mise en place d’une intégration fiscale ou de sa refonte pourra également se poser avec intérêt non seulement pour consolider les profits et les pertes dans des groupes portant, par exemple, des Business Units très hétérogènes et donc inégalement impactés par la crise, mais aussi afin de permettre la consolidation financière de la société mère au travers de remontées de flux de trésorerie imposées à 1% c’est-à-dire moins lourdement qu’en l’absence de toute intégration fiscale, générant de facto une économie d’impôt. C’est sans compter l’appréhension du mécanisme de déductibilité des charges financières refondu par la loi de finances pour 2019 qui pourra également être apprécié à l’aune de l’intégration fiscale, avec à la clef, potentiellement, une déductibilité de charges financières accrue induisant mécaniquement une réduction de la pression fiscale.

 

Et ce, d’autant que les délais normalement impartis pour opter pour la mise en place ou pour procéder à l’actualisation d’une intégration fiscale semblent devoir bénéficier du dispositif de report prévu par les mesures d’urgence dès lors que de telles formalités ne servent pas en elles-mêmes à la détermination instantanée d’une dette fiscale (et devraient donc échapper en tant que telles à l’exclusion visée au II de l’article 10 de l’ordonnance n° 2020-306).

Pour l’heure, le délai pour opter pour la mise en place d’un groupe fiscal intégré ou pour revoir son périmètre d’intégration fiscale a déjà été prorogé jusqu’au 30 juin 2020. C’est dire que cela laisse un peu plus le temps à la réflexion sur fond de simulations et de projections financières précises.

 

Dans le même ordre d’esprit de consolidation, la mise en place d’un système de cash pooling qui constitue un levier essentiel de la performance financière en permettant en particulier d’optimiser les frais financiers, peut s’avérer plus que judicieux.

 

Bref, il ne s’agit pas là de faire un inventaire exhaustif des pistes pouvant être explorées – d’ailleurs, individuellement ou de manière combinée – car une analyse au cas par cas s’avèrera en toutes hypothèses, indispensable. Il s’agit simplement de montrer que le recours aux mécanismes existants, soit par essence de nature fiscale soit ayant des implications fiscales très fortes, peut s’avérer extrêmement bénéfique, voire salutaire à condition de mener les bonnes réflexions, de réaliser les bons arbitrages et de prendre les bonnes options.

 

Dans ce contexte, les entreprises toute taille confondue, funambules involontaires et spectateurs tout d’abord impuissants d’une crise sanitaire et économique sans précédent pourront en jonglant efficacement et habilement avec des mécanismes fiscaux éprouvés se transformer en prestidigitateurs d’un monde économique mis à mal en permettant de renouer avec les profits et en faisant disparaitre, comme par magie, le spectre de la faillite…

 

Nos avocats sont à votre service pour appréhender au mieux la sortie de crise et pour mettre en place ces pistes de réflexion : contact@dgfla.com

 

 

 

 

[1] Loi n° 2020-290 du 23 mars 2020, Loi n° 2020-365 du 30 mars 2020, ordonnance n° 2020-303, 2020-304, 2020-305 et 2020-306 du 25 mars 2020.

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