Contrôle ex-post des opérations de concentration : 1 ère application de l’Arrêt Towercast

17/05/24
Contrôle ex-post des opérations de concentration : 1 ère application de l’Arrêt Towercast

L’Autorité de la concurrence fait pour la première fois usage de sa faculté d’examiner une opération de concentration se situant sous les seuils nationaux de notification.

 

Contrôle ex-post des opérations de concentrations – Première application de l’Arrêt Towercast : L’Autorité de la concurrence fait pour la première fois usage de sa faculté d’examiner une opération de concentration se situant sous les seuils nationaux de notification

Dans sa décision n°24-D-05 du 2 mai 2024, l’Autorité de la concurrence analyse, pour la première fois, une concentration réalisée, qui ne franchit pas les seuils juridictionnels de notification des concentrations, au regard des articles 101 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (« TFUE ») et L. 420-1 du code de commerce prohibant les ententes anticoncurrentielles.

 

Cette approche fait suite à l’arrêt Towercast de la Cour de justice de l’Union européenne du 16 mars 2023 (C-449/21) qui a reconnu la possibilité, pour les autorités nationales, de contrôler sous certaines conditions, des opérations de concentration déjà réalisées au regard de l’article 102 TFUE qui interdit l’abus de position dominante.

 

L’Autorité reprochait à trois groupes d’entreprises (Akiolis, Saria et Verdannet) l’élaboration d’un plan global, dont l’objet était de se répartir géographiquement le marché français de la collecte de coproduits ou sous-produits animaux et qui a été mis en oeuvre par la conclusion de 21 accords de cession de fonds de commerce réciproque.

 

Ces accords de cession constituaient cinq opérations de concentration distinctes, aucune n’atteignant les seuils de notification prévus à l’article L. 430-2 du code de commerce, ni a fortiori ceux prévus par le règlement européen sur le contrôle des concentrations (règlement (CE) n°139/2004 du 20 janvier 2004).

 

Les entreprises impliquées ont considéré qu’une opération de concentration déjà réalisée ne pouvait faire l’objet d’un contrôle ex-post (postérieurement à la réalisation de l’opération) sur le fondement des articles 101 TFUE et L. 420-1 du code de commerce, d’autant plus qu’en l’espèce, les seuils juridictionnels de notification n’étaient pas atteints.

 

L’Autorité de la concurrence, s’appuyant sur l’arrêt Towercast de la Cour de justice de l’Union européenne rappelle que le règlement européen sur le contrôle des concentrations ne s’oppose pas à ce qu’une opération de concentration, dépourvue de dimension communautaire, et se situant sous les seuils de notification prévus par le droit national « soit analysée par une autorité de concurrence d’un État membre comme étant constitutive d’un abus de position dominante prohibé à l’article 102 TFUE au regard de la structure de la concurrence sur un marché de dimension nationale. ».

 

Par cette décision, l’Autorité vient apporter une précision importante : la jurisprudence Towercast est transposable à l’article 101 TFUE, soulignant que le règlement sur les concentrations « fait partie d’un ensemble législatif visant à mettre en oeuvre les articles 101 et 102 TFUE ainsi qu’à établir un système de contrôle garantissant que la concurrence n’est pas faussée dans le marché intérieur de l’Union ». Elle rappelle par ailleurs que l’article 101 TFUE, tout comme l’article 102 TFUE, est une disposition d’effet direct qui peut être appliquée en l’absence d’un dispositif de contrôle des concentrations ad hoc.

 

Aux termes de sa décision, l’Autorité de la concurrence a toutefois prononcé un non-lieu estimant que les accords n’avaient pas un objet anticoncurrentiel et que les pièces au dossier ne lui permettaient pas de procéder à une analyse des effets de ces accords.

 

Cette décision marque un tournant important dans l’application du droit de la concurrence, affirmant la capacité des autorités nationales à contrôler, ex post, sur le fondement des articles 101 TFUE et 102 TFUE et les dispositions nationales analogues, des opérations concentrations qui ne dépassent pas les seuils de contrôle nationaux et européens.

 

Ainsi des opérations concentrations qui se situent en dessous des seuils nationaux de notification peuvent être remises en cause, après leur mise en œuvre, par l’Autorité de la concurrence, sur le fondement des abus de position dominante ou des ententes anticoncurrentielles. Dorénavant, les entreprises parties à un projet d’acquisition devront évaluer l’impact concurrentiel de l’opération au regard du contrôle des concentrations mais aussi au regard des pratiques anticoncurrentielles.

 

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