La fiscalité de la propriété intellectuelle ou les poupées russes fiscales

23/10/19
La fiscalité de la propriété intellectuelle ou les poupées russes fiscales

PLF 2020, DAC 6, IFRIC 23… Privilégier une gouvernance fiscale audacieuse et judicieuse tout en respectant une approche prudente conforme à la réglementation relève plus que jamais d’un numéro de contorsionniste.

 

Ceci est d’autant plus vrai pour toutes les structures portant ou développant de la propriété intellectuelle sous la forme en particulier de brevets ou de logiciels protégés par un droit d’auteur.

 

En effet, la loi de finances pour 2019 après avoir littéralement refondu le régime fiscal antérieur afin de mettre la législation française en conformité avec l’action 5 BEPS du programme OCDE a invité voire acculé les acteurs du monde de la propriété intellectuelle à repenser parfois même à refondre leur stratégie de localisation de leur propriété intellectuelle pour éviter certains écueils préjudiciables.

 

A titre de rappel, l’action 5 du Projet BEPS qui vise à lutter contre les pratiques fiscales dommageables, a mis en évidence des régimes fiscaux nationaux préférentiels non conformes en ce qu’ils ne subordonnaient pas le bénéfice du régime des « patent box » à la localisation des travaux de R&D au niveau national.

 

Ce faisant, la nouvelle législation a conduit nombre de groupes français titulaires de brevets et/ou de logiciels protégés par un droit d’auteur à repenser leur portefeuille existant afin de profiter des opportunités fiscales du nouveau régime mais aussi de se mettre en conformité avec celui-ci. Il a fallu recenser les lignes d’actifs existantes, flécher les dépenses de R&D afin de les affecter, mais aussi prendre en compte les impacts du crédit d’impôt recherche… tout cela en vue de procéder à des arbitrages pertinents permettant une gestion fiscale prudente, conforme et stratégique.

 

Mais l’arbitrage ne vaut pas que pour le passé…il s’inscrit aussi dans une dimension plus prospective. Ainsi, les groupes désireux de conduire des actions de croissance externe devront procéder en amont à des arbitrages imbriquant les incidences fiscales de la nouvelle approche Nexus dans des considérations réglementaires.

 

Lutte contre l’évasion fiscale

La réponse à la question : « ai-je intérêt à acquérir une structure dans son ensemble ou seulement certaines de ses lignes d’actifs ou certains actifs isolés » ne sera pas exclusivement conditionnée par des préoccupations d’ordre fiscal. Elle devra également intégrer les nouveaux dispositifs de lutte contre l’évasion fiscale que l’administration a récemment déployés tels que :

  • La déclaration de mise en conformité fiscale des entreprises incitant grandement aux initiatives visant à demander spontanément une mise en conformité de sa situation fiscale avec des réductions significatives de pénalités à la clef (instruction du 28 janvier 2019);
  • La Directive européenne « DAC 6 » du 25 mai 2018 qui vient d’être transposée en droit interne par l’ordonnance 2019-1068 du 21 octobre 2019 obligeant les conseils fiscaux – au sens large – à déclarer les schémas d’optimisation à l’administration fiscale ;
  • La nouvelle norme IFRIC 23 qui impose de nouvelles règles quant à la comptabilisation et à l’évaluation des actifs et passifs « entachés » d’incertitudes fiscales dans les groupes qui publient des comptes IFRS.

 

C’est sans compter les nouveaux dispositifs à l’étude dans le cadre du projet de loi de finances pour 2020 comme par exemple celui de l’article 13 du PLF 2020, adopté le 18 octobre 2019 par l’assemblée nationale concernant la transposition en droit français des mesures de lutte contre les dispositifs hybrides prévus par les directives ATAD 2016/1164 et 2017/952 dites ATAD 1 et ATAD 2. Ces nouvelles règles visent à combattre les effets d’asymétrie au sein de l’Union européenne ou avec des pays tiers dans l’hypothèse où une partie concernée est soumise à l’impôt sur les sociétés en France ainsi qu’aux effets d’asymétrie « importés » (un effet d’asymétrie importé en France correspond à la situation où le paiement d’un instrument non hybride est déduit en France pour financer des charges dans le cadre d’un dispositif hybride entre entreprises associées ou d’un dispositif structuré hors de France).

Il faudra également intégrer le dispositif fiscal à portée pénale avec en particulier la fin du verrou de Bercy faisant peser sur tous les groupes le spectre omniprésent d’une menace pénale …

 

 

Un accompagnement stratégique

Bref, l’entreprise déjà titulaire d’actifs immatériels et souhaitant compléter son patrimoine ou désireuse d’acquérir de la propriété intellectuelle va devoir composer avec tous ces paramètres et opérer des arbitrages qui viendront se superposer les uns aux autres, s’annuler, se contredire … Cette situation est clairement de nature à complexifier les opérations de croissance externe de par les contraintes qu’elles imposeront aux groupes repreneurs en amont (négociation de GAP pour des montants exorbitants, évaluations de la toxicité de certains actifs ou lignes d’actifs sur l’approche Nexus, choix d’un ratio Nexus optimal par rapport aux retombées du crédit d’impôt recherche en terme financier ou inversement etc.).
Ce travail d’équilibriste requerra une action concertée au sein même de l’entreprise – le dialogue entre les différents services impactés (IP, fiscal et juridique) sera plus que jamais de rigueur – ET un accompagnement stratégique de l’entreprise par ses avocats.

 

Toute l’équipe De Gaulle Fleurance & Associés est à votre disposition
pour vous accompagner dans vos projets.

 

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