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L’UE plus sévère sur les biens à double usage

Articles 18 février 2025
Compliance Droit international public Droit pénal des affaires Banque, Finance, Assurance

Source : Le Temps, « Guerre en Ukraine: comment une entreprise peut être impliquée à son insu (et sanctionnée) », Sébastien Ruche, 18 février 2025.

Les entreprises doivent s’assurer que les biens qu’elles produisent ne seront pas revendus à des parties en guerre.
Ou elles risquent des millions d’amende ou même de la prison pour leurs dirigeants, selon une nouvelle directive européenne

Trois ans après le début de la guerre en Ukraine, la notion de compliance s’est étendue à l’ensemble des secteurs économiques. Bien connu dans le monde financier, cet anglicisme désigne la nécessité de se conformer aux lois en vigueur, et par extension les efforts à fournir pour y parvenir. La multiplication des paquets de sanctions internationales contre la Russie, tant européennes qu’américaines, oblige désormais les entreprises à vérifier en permanence non seulement qu’elles respectent ces sanctions, mais qu’elles ne se retrouvent pas impliquées à leur insu dans le conflit.

Par exemple si leurs produits arrivent dans les mains d’une partie combattante aux côtés de l’armée russe. Une nouvelle directive européenne, en vigueur dès le 20 mai prochain, prévoit de la prison ferme et une amende d’au moins 40 millions d’euros en cas de violation intentionnelle par une entreprise (38 millions de francs).

Il peut s’agir d’une simple antenne ou d’amidon de maïs. La première peut servir à capter la radio, mais aussi à guider un drone militaire. Le second peut sortir de la cuisine et entrer dans la fabrication d’explosifs. Ce sont ce que l’on appelle des biens à double usage : conçus pour des applications civiles, ils peuvent être détournés à des fins militaires. Et dans ce cas, entraîner l’entreprise qui les a produits dans le champ des sanctions internationales prononcées à la suite de l’invasion russe de la Crimée de 2014, puis de l’Ukraine, déclenchée le 24 février 2022.

Comme pour le blanchiment

«En Ukraine, des composants fabriqués par des sociétés américaines ont été retrouvés dans des missiles russes lancés sur le pays, ce qui peut donner la possibilité aux autorités américaines de lancer des poursuites», résume Charles-Edouard Renault, avocat chez De Gaulle Fleurance à Paris, spécialiste des sanctions internationales et des réparations des dommages de guerre. L’OFAC, l’agence américaine chargée de faire appliquer les sanctions décrétées à Washington, n’est pas la seule à pouvoir rattraper les entreprises dont les produits se sont retrouvés sur un champ de bataille.

En mai prochain entrera en effet en vigueur la directive européenne 2024/1226 qui instaure un volet pénal à l’encontre des entreprises qui chercheraient à contourner des sanctions internationales. En cas de violation intentionnelle, ces sociétés risquent des amendes d’au moins 5% de leur chiffre d’affaires mondial (avec un plancher à 40 millions d’euros), tandis que leurs dirigeants font face à au minimum 5 ans d’emprisonnement. Pour se défendre, une entreprise «doit s’assurer que les acheteurs de ses produits, en particulier des grossistes ou des sociétés de négoce, ne vont pas les revendre à des acteurs problématiques», enchaîne Patrice Lefèvre-Péaron, responsable du bureau genevois de l’étude De Gaulle Fleurance. «Comme les banques doivent déjà le faire dans le cadre de la lutte contre le blanchiment, les groupes industriels doivent maintenant démontrer qu’ils ont mis en place un cadre approprié pour le traitement des sanctions, avec des processus clairs», détaille l’avocat.

La chimie a historiquement été un secteur sensible pour ces questions, tout comme celui des équipements télécoms ou plus récemment l’agroalimentaire. Une entreprise qui n’aurait pas dénoncé un contrat litigieux peut se retrouver sanctionnée, même si elle n’a pas encaissé d’argent. Des opérations financières en apparence toutes simples peuvent aussi être considérées comme de la participation à l’effort de guerre russe. Par exemple si une filiale russe d’un groupe occidental a accordé un prêt à sa maison mère et en demande le remboursement.

Extraterritorialité européenne

Les entreprises suisses seront-elles concernées ? On note au passage que l’extraterritorialité des sanctions n’est plus l’apanage des Etats-Unis. Il suffit qu’une partie d’une transaction se déroule sur le territoire de l’Union européenne pour que son auteur soit exposé aux sanctions européennes. Par exemple lorsqu’un paiement international passe par une plateforme de compensation située dans un Etat membre, même si le pays du destinataire n’a rien à voir avec la Russie ou un autre Etat sous sanctions, soulignent nos interlocuteurs, qui animeront une conférence sur l’impact de la guerre en Ukraine sur les entreprises, ce mercredi à Genève.

Pour l’instant, même après trois ans de conflit en Ukraine et bientôt 16 paquets de sanctions européennes, nos interlocuteurs n’ont pas connaissance d’entreprises françaises déjà sanctionnées, notamment car ces procédures sont souvent extrêmement longues (de cinq à dix ans). Autre volet des impacts de la guerre en Ukraine sur les entreprises, la question des dommages de guerre commence à être traitée différemment par les autorités européennes, reprend Charles-Edouard Renault. «Des entreprises occidentales, dont des actifs ont été détruits ou nationalisés de force, notamment dans certaines régions du Donbass ou en Crimée, pourraient être dédommagées, car le principe d’immunité des Etats est aujourd’hui largement discuté par la jurisprudence européenne, un juge néerlandais ayant en août dernier rejeté l’exception d’immunité de la Fédération de Russie soulevée par Gazprom pour échapper à une saisie d’actifs, en compensation de dommages subis par une entreprise ukrainienne».

Découvrez l’intervention de Charles-Edouard Renault et de Patrice Lefèvre-Péron dans le Journal Le Temps :

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Avocat - Associé
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