
Crypto-actifs : vers un renforcement de la réglementation européenne
Un cadre européen harmonisé, mais inégalement appliqué
Entré en application pour l’essentiel de ses dispositions le 30 décembre 2024, le règlement MiCA (règlement [UE] 2023/1114) établit un cadre juridique unifié pour l’émission et la fourniture de services sur les crypto-actifs dans l’Union européenne
Si l’ambition du Règlement MiCA est l’harmonisation européenne du cadre réglementaire, sa mise en œuvre reste largement entre les mains des autorités nationales compétentes, qui délivrent les agréments aux prestataires de services sur crypto-actifs (PSCA) et permettent leur accès au marché européen via un mécanisme de passeport. Tant l’interprétation que l’application du Règlement MiCA, par les autorités nationales, restent inégales au sein de l’Union, comme l’a déjà souligné l’Autorité européenne des marchés financiers (AEMF).
Risques de « forum shopping » et réaction des régulateurs
Cette hétérogénéité d’application a ouvert la voie à une compétitivité réglementaire entre États membres, parfois qualifiée de « forum shopping ». L’exemple notable est celui de l’autorité des marchés de Malte (MFSA), critiquée en juillet 2025 par l’AEMF pour sa supposée complaisance dans la délivrance des agréments PSCA.
Face à ce risque, trois régulateurs nationaux — l’Autorité des marchés financiers française (AMF), la Finanzmarktaufsichtsbehörde autrichienne (FMA) et la Commissione nazionale per le società e la borsa italienne (Consob) — ont lancé, le 15 septembre 2025, un appel conjoint pour renforcer la réglementation européenne sur les crypto-actifs.
Quatre axes pour renforcer MiCA
Afin de garantir une application uniforme de MiCA et une meilleure protection des investisseurs, les trois autorités proposent les mesures suivantes :
1. Supervision directe des PSCA majeurs par l’AEMF
Les autorités nationales demandent que l’AEMF puisse directement superviser les PSCA ayant une importance majeure à l’échelle de l’Union européenne. Cette supervision directe semble s’entendre comme :
- l’octroi de l’agrément PSCA ;
- la surveillance continue de leurs activités à l’échelle du marché européen.
Cette proposition n’a pas encore été commentée par l’AEMF.
2. Renforcement des exigences pour les plateformes internationales
De nombreuses plateformes non européennes opèrent dans l’UE via des intermédiaires PSCA, rendant le contrôle plus complexe. Les régulateurs proposent :
- d’obliger les PSCA européens à exécuter les ordres uniquement sur des plateformes agréées dans l’Union européenne ou venant d’un pays tiers et régulées de façon équivalente à MiCA ;
- que la Commission européenne et l’AEMF publient des lignes directrices claires pour identifier les juridictions dites « équivalentes ».
3. Renforcement de la cybersécurité des PSCA
Les régulateurs veulent aligner les exigences de cybersécurité applicables aux PSCA au niveau européen en application stricte du Règlement DORA. Cela inclut :
- la réalisation d’audits réguliers et indépendants des systèmes informatiques ;
- une uniformisation des critères de sécurité informatique pour l’obtention d’un agrément PSCA.
En France, cette exigence existe déjà : un audit par un auditeur certifié PASSI est requis.
4. Guichet unique européen pour les émetteurs de crypto-actifs
Les procédures actuelles d’émission de crypto-actifs sont fragmentées, coûteuses et sources de doublons. Les autorités proposent :
- la création d’un guichet unique européen sous l’égide de l’AEMF ;
- une harmonisation des démarches, notamment pour l’examen des livres blancs des crypto-actifs (hors ART et EMT).
Un engagement fort de la France
En matière d’application du Règlement MiCA, la France se distingue par une interprétation stricte et homogène du règlement. L’AMF a déjà délivré sept agréments PSCA, notamment à Bitstack, Finctek et Goin (toutes accompagnées par De Gaulle Fleurance), entre autres. Ces agréments sont perçus comme rigoureux et offrent un avantage réputationnel aux acteurs concernés.
Enfin, la présidente de l’AMF a rappelé qu’elle se réserve le droit de refuser l’accès au marché français à un PSCA agréé dans un autre État membre, en cas de non-conformité aux exigences du Règlement MiCA.
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