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L’IA aux défis du droit : 29 propositions pour l’Europe

Articles 2 octobre 2025
Droit des médias et de l'audiovisuel Droit européen Nouvelles Technologies, Numérique et Télécoms

Bruno Deffains, avocat associé chez De Gaulle Fleurance, professeur de droit et d’économie à Paris II Panthéon-Assas et président du Pôle numérique du Club des juristes, et Denis Musson, président d’honneur du Cercle Montesquieu et administrateur de Paris Place de Droit, ont participés la rédaction du Livre Blanc « IA aux défis du droit », édité par LexisNexis.

Ce travail collectif, mené au sein de la commission Numérique & Justice de Paris Place de Droit, propose une analyse concrète des enjeux de l’intelligence artificielle et une feuille de route articulée autour de 29 recommandations. L’objectif est clair : faire de l’Europe, et de Paris, une puissance juridique mondiale dans l’ère de l’IA.

1. Quels enjeux pour les métiers du droit ?

L’IA générative est une technologie à fort potentiel, mais aux effets ambivalents. Elle ne se limite pas à un défi technique : elle révèle aussi les forces et les fragilités de nos modèles économiques et juridiques.

Ses impacts se font déjà sentir dans les professions du droit, à travers :

  • l’automatisation de la revue documentaire,

  • l’analyse jurisprudentielle,

  • la génération d’ébauches contractuelles.

Employés avec discernement, ces outils peuvent renforcer l’efficacité, améliorer l’accessibilité du droit, réduire les asymétries d’information et faciliter l’accès à la justice. Mais ils exigent aussi une montée en compétences techniques, éthiques et déontologiques. L’interprétation, l’argumentation et la responsabilité demeurent fondamentalement humaines.

Les auteurs soulignent que leurs recommandations trouvent déjà un écho dans l’actualité : le partenariat stratégique annoncé entre ASML et la start-up française Mistral illustre la prise de conscience de la nécessité de bâtir une autonomie technologique européenne.

Cependant, des défis majeurs subsistent : réduire la dépendance de l’Europe aux infrastructures américaines et chinoises, encadrer les risques de discrimination algorithmique et protéger la vie privée. Contrairement aux États-Unis (logique de marché) et à la Chine (contrôle étatique), l’Europe choisit une voie originale, fondée sur une régulation éthique et préventive, qui peut devenir un véritable levier de compétitivité si elle est appliquée avec proportionnalité.

Le gouvernement français semble avoir pris cette direction avec la publication du schéma national de gouvernance pour le règlement européen sur l’IA. La DGCCRF y joue un rôle central de coordination, en lien avec la Direction générale des entreprises et les autorités de surveillance sectorielles. Avec le soutien technique de l’ANSSI et du Pôle d’expertise de la régulation numérique (PEReN), ce dispositif doit combiner crédibilité, efficacité et réactivité.

2. Régulation et souveraineté

Le choix de mobiliser la DGCCRF confirme que les préoccupations exprimées dans le rapport ont été entendues. Les auteurs plaident pour :

  • une gouvernance claire,

  • une meilleure coordination entre les autorités,

  • un recours aux expertises existantes,

  • et une supervision renforcée pour garantir la conformité dans tous les secteurs.

L’intégration de la DGCCRF traduit une volonté de responsabiliser les acteurs publics, de renforcer la confiance des citoyens et d’assurer une application homogène des protections au niveau national. Ce schéma permet aussi à la France de s’ancrer dans une dynamique européenne forte : la DGCCRF peut représenter la France auprès de l’Union européenne, veiller à la bonne transposition des orientations européennes et défendre les spécificités nationales.

Trois principes guident ces recommandations :

  • Cohérence : éviter le chevauchement entre le règlement IA et le RGPD, clarifier les responsabilités et sanctionner les pratiques déloyales.

  • Proportionnalité : prévoir un accompagnement pour les PME, tout en imposant aux grandes plateformes des obligations renforcées de transparence et de loyauté.

  • Légitimité démocratique : la régulation de l’IA doit être débattue publiquement pour fonder une confiance collective.

Les auteurs constatent avec satisfaction que plusieurs initiatives convergent dans le même sens, comme le rapport de l’Institut de la souveraineté numérique ou celui du Haut comité juridique de la place financière de Paris (HCJP) sur l’IA en droit financier.

À terme, la souveraineté européenne suppose de transformer la régulation en puissance normative internationale. Comme l’a montré le RGPD, l’Europe peut imposer ses standards à l’échelle mondiale, à condition que les partenariats technologiques renforcent son écosystème plutôt que de l’affaiblir.

3. Investissements et mobilisation des acteurs du droit

Les investissements nécessaires doivent être :

  • financiers : avec une stratégie ambitieuse autour des fonds européens, des partenariats public-privé et du soutien aux jeunes entreprises innovantes ;

  • humains : en intégrant une formation spécifique à l’IA dans les cursus juridiques et en dotant chaque juridiction de juges spécialisés pour les contentieux émergents ;

  • institutionnels : en adaptant les règles déontologiques aux principes de transparence, de contrôle humain et de gouvernance des données, et en réaffirmant la pleine responsabilité des professionnels du droit.

Parmi les propositions figure la création d’un observatoire européen de l’IA et du droit, chargé d’évaluer en continu les impacts réels des technologies, de recenser les bonnes pratiques et de publier régulièrement des recommandations.

Le débat progresse déjà en ce sens. Le rapport du HCJP souligne l’émergence de nouveaux contentieux, notamment dans le domaine financier. De son côté, l’US Geological Survey a récemment cartographié les minerais nécessaires au développement des datacenters, rappelant que les investissements doivent aussi intégrer les enjeux environnementaux, sociaux et de durabilité (ESG).

Enfin, l’Europe doit investir dans des espaces souverains de stockage des données juridiques et dans des modèles d’IA entraînés sur le droit continental. C’est une condition essentielle pour concilier compétitivité, souveraineté et valeurs démocratiques.

Ces propositions sont issues de la Commission Numérique & Justice de Paris Place de Droit, dont Bruno Deffains et Denis Musson sont co-responsables.

Retrouvez l’intervention complète de Bruno Deffains dans La Semaine Juridique :

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Bruno
Deffains
Avocat - Of Counsel
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