[Décryptage Avril 2024]
Dans une affaire récente, la Cour d’appel de Paris s’est prononcée sur la qualification d’un « contrat de représentation exclusive » par lequel une agence gérait la participation de son cocontractant (« influenceur ») à la création de campagnes de marketing d’influence sur les réseaux sociaux pour juger de la compétence du Tribunal de commerce ou des Prud’hommes dans un litige entre un influenceur et son agence.
Le premier intérêt de cette décision tient à ce que la Cour d’appel de Paris s’inspire de la définition donnée par la Loi sur l’influence commerciale (Loi n° 2023-451 du 9 juin 2023, art. 1) pour qualifier l’activité de cet influenceur, considérant que son activité correspondait à celle de l’influence commerciale s’exerçant par voie électronique. Cette loi est pourtant entrée en vigueur après la date de conclusion du contrat litigieux.
[Lire le décryptage en entier]
[Mise à jour Janvier 2024]
Une commission spéciale du Sénat a voté, le 13 décembre 2023, l’article 3 du projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne dans les domaines de l’économie, de la santé, du travail, des transports et de l’agriculture (DDADUE) lequel prévoit une autorisation pour le gouvernement de modifier par voie d’ordonnance, dans un délai de neuf mois, la loi « Influenceurs » afin de la mettre en conformité avec différents Règlements et Directives européens notamment le règlement sur les services numériques (DSA) (cf. mise à jour de décembre 2023 ci-dessous].
Cette modification de la loi « influenceurs » par ordonnance devrait aussi permettre de palier le défaut de communication préalable de la totalité des articles concernés à la Commission Européenne avant l’adoption de la loi en juin 2023. Cette obligation de communication n’est plus contestable depuis la décision de la Cour de justice de l’Union européenne du 9 novembre 2023 dans l’affaire « Google Ireland ».
[Mise à jour décembre 2023]
La loi française sur l’influence commerciale pourrait être incompatible avec le récent règlement « Digital Service Act » (DSA).
Le commissaire européen au marché intérieur, Thierry Breton, a fait part au ministre français des affaires européennes et étrangères de ses préoccupations concernant les récentes lois françaises relatives à la majorité numérique à l’âge de 15 ans et à l’influence commerciale, soulignant plusieurs incompatibilités avec le récent règlement « Digital Service Act » (DSA). Thierry Breton affirme que « ces lois françaises risquent de fragmenter le marché unique européen que le DSA vise à harmoniser, en imposant des restrictions injustifiées à la libre prestation de services (…) qui ne sont pas établis en France » et demande à l’exécutif d’abroger certaines dispositions adoptées. Deux dispositions semblent contrevenir au DSA :
Actuellement, la conformité du texte avec le droit européen n’a pas été décidée, et le texte est toujours applicable en France. Par ailleurs, la Direction générale de la consommation, de la concurrence et de la répression des fraudes (DGCCRF) est très attentive à l’application effective de la loi.
[Décryptage juillet 2023 de la loi « influenceurse » n° 2023-451 du 9 juin 2023]
Tel qu’exposé dans la proposition de loi présentée par les députés MM. Arthur DELAPORTE et Stéphane VOJETTA :
Le projet de loi a été adopté à la majorité par l’Assemblée nationale (259 pour sur 352voix exprimées ) et à l’unanimité au Sénat (342 voix exprimées). C’est ainsi que la France est désormais dotée d’un cadre juridique ad hoc pour les influenceurs, leurs agents, et les autres personnes de ce secteur (annonceurs, plateformes), inscrit dans la « Loi n° 2023-451 du 9 juin 2023 visant à encadrer l’influence commerciale et à lutter contre les dérives des influenceurs sur les réseaux sociaux ».
Afin de se donner les moyens de ses ambitions, le texte crée d’abord des nouvelles catégories en droit positif :
Les influenceurs, leurs agents ou les annonceurs devront passer des contrats écrits, au-delà d’un certain seuil de rémunération ou d’avantages en nature (qui sera défini par décret). Ces contrats devront inclure certaines clauses obligatoires : missions confiées, conditions de rémunération, soumission au droit français dès lors que sont visés des abonnés en France.
Autre innovation, le texte introduit le principe d’une responsabilité solidaire entre l’annonceur, l’influenceur et son agent : pour la réparation des « dommages causés aux tiers dans l’exécution du contrat d’influence commerciale qui les lie » (Article 8 III.).
Concernant les dispositions propres à la promotion de produits et services bancaires et financiers, le nouveau dispositif législatif prévoit des dispositions interdisant par principe aux influenceurs de faire la promotion de :
Par ailleurs, la loi prohibe également aux influenceurs la promotion de :
Concernant les dispositions propres à la promotion de produits et services aux consommateurs, la loi apporte plusieurs précisions relatives aux droits et obligations des influenceurs, en rappelant à titre liminaire que l’ensemble des textes européens et français encadrant la publicité et la promotion des biens et des services en ligne est applicable à la pratique de l’influence commerciale par voie électronique.
Afin d’offrir davantage de transparence aux consommateurs, la loi impose désormais l’affichage de certaines mentions sur les contenus publiés par les influenceurs :
En outre, la loi oblige dorénavant les influenceurs à se responsabiliser s’agissant de leur pratique du « dropshipping », en ce sens ils devront notamment s’assurer de la disponibilité des produits commercialisés ainsi que de leur licéité.
Les mineurs de moins de 16 ans apparaissant à l’écran bénéficieront des dispositions protectrices du droit du travail régissant le travail des mineurs, de même que les enfants mannequins. Ainsi, 90% des sommes perçues par le biais de l’influence commerciale seront consignées jusqu’à la majorité du mineur.
Par ailleurs, la loi interdit l’utilisation d’animaux sauvages par des influenceurs, si ces derniers ne les détiennent pas légalement, sauf dans le cadre d’une collaboration avec un établissement autorisé à détenir ces animaux (tels que les zoos).
Concernant les dispositions propres à la santé publique, la loi soumet les influenceurs aux règles régissant la publicité des médicaments, des dispositifs médicaux, des dispositifs médicaux in vitro, des allégations de santé portant sur les denrées alimentaires, de publicité pour les boissons avec sels ajoutés, sucrées ou alcoolisées, ou encore les produits du tabac et du vapotage. En outre, la loi vient strictement interdire la promotion : d’actes de chirurgie esthétique, d’abstention thérapeutique, de produits considérés comme « produits de nicotine » non couverts par la réglementation relative au tabac.
Les influenceurs, qui violeraient les interdictions ou obligations posées par la loi, risqueront une peine de prison pouvant aller jusqu’à deux ans (voire 7 ans en cas de circonstances aggravantes) et de fortes amendes pouvant aller jusqu’à 300 000 euros ainsi qu’une interdiction d’exercer.
La Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes (DGCCRF) a vu ses pouvoirs renforcer, elle peut désormais assortir ses injonctions d’astreintes. Si l’influenceur ne répond pas aux injonctions de la DGCCRF, celle-ci a le pouvoir de demander à la plateforme diverses mesures visant à faire cesser les contenus illicites, tel que l’affichage d’un message d’avertissement aux consommateurs, le déréférencement d’un compte sur un réseau social ou encore la limitation de l’accès ou le blocage d’un compte sur un réseau social.
Quatre décrets doivent être pris prochainement pour permettre une meilleure application de la loi :
Pour en savoir plus :
– A. Szkopinski, »A la recherche d’un statut juridique pour les influenceurs », Dalloz IP IT, 2020.472
– « Marketing d’influence : 60% des influenceurs ciblés par la DGCCRF en anomalie », Communiqué de presse de la DGCCRF, 23 janvier 2023.
– « Accompagner les influenceurs, protéger les consommateurs », dossier de presse, 24 mars 2023.
– « FALC De nouvelles règles pour les influenceurs », 2 juin 2023.
– A. Szkopinski, « Adoption de la proposition de loi encadrant l’influence commerciale, la fin des dérives ? », 8 juin 2023.
– V. Téchené, « Encadrement de l’influence commerciale : la loi est publiée au Journal officiel », Lexbase Affaires n°760, 15 juin 2023.
– J. Peigné, « Encadrement de l’activité d’influenceur dans le domaine de la santé », Dalloz actualité, 19 juin 2023.
– « Loi « influenceurs » : réglementer une activité nouvelle et éviter les dérives sur internet », Dictionnaire Permanent Droit des affaires – Consommation – Distribution, 19 juin 2023.
– J. Berlemont, « Activités d’influence commerciale et d’agent d’influenceur : la loi est publiée », Lamy Economie Numérique, 21 juin 2023.
– Y. Cohen-Hadria, « La loi visant à lutter contre les arnaques et les dérives des influenceurs sur les réseaux sociaux : à quoi s’attendre concrètement ? » Petites affiches pratiques n°06 page 66, 30 juin 2023.
– « Une loi encadre strictement l’activité des influenceurs », BRDA, 1er juillet 2023.
– « Guide de bonne conduite Influenceurs et créateurs de contenus », DGCCRF, juillet 2023.
De Gaulle Fleurance se tient à votre disposition pour vous présenter plus en détail les nombreux enjeux qui découlent de ce nouveau texte.