L’influenceur, un mannequin 3.0 ?

22/04/24

Découvrez le décryptage de Francine Le Péchon Joubert

L’influenceur, un mannequin 3.0 ?

Notes sur l’arrêt de la Cour d’appel de Paris du 23 février 2024, RG nº 23/10389

 

Dans une affaire récente, la Cour d’appel de Paris s’est prononcée sur la qualification d’un « contrat de représentation exclusive » par lequel une agence gérait la participation de son cocontractant (« influenceur ») à la création de campagnes de marketing d’influence sur les réseaux sociaux pour juger de la compétence du Tribunal de commerce ou des Prud’hommes dans un litige entre un influenceur et son agence.

 

Le premier intérêt de cette décision tient à ce que la Cour d’appel de Paris s’inspire de la définition donnée par la Loi sur l’influence commerciale (Loi n° 2023-451 du 9 juin 2023, art. 1) pour qualifier l’activité de cet influenceur, considérant que son activité correspondait à celle de l’influence commerciale s’exerçant par voie électronique. Cette loi est pourtant entrée en vigueur après la date de conclusion du contrat litigieux.

 

Au cas d’espèce, l’influenceur estimait que sa relation contractuelle avec l’agence devait être requalifiée en contrat de travail, (i) à titre principal en qualité de mannequin, et (ii) à titre subsidiaire en qualité d’artiste-interprète.

 

L’influenceur n’a toutefois pas réussi à convaincre le Tribunal de Commerce ni la Cour d’appel Pôle 5 (Contrats commerciaux) de sa qualité de mannequin ou d’artiste interprète.
La Cour a apprécié in concreto le contrat objet du litige en rappelant que le contrat liant un influenceur à son agent ou à un annonceur était susceptible de recevoir diverses qualifications, relevant du droit commercial ou du droit du travail, en fonction des prestations attendues et des modalités de leur réalisation.

 

Contractuellement l’influenceur donnait mission à l’agence d’assurer la négociation des contrats pour son compte et lui donnait mandat à cet effet. On peine donc à comprendre comment un tel contrat de représentation pourrait être qualifié de contrat de travail avec l’agence dans le rôle de l’employeur d’un l’influenceur qu’elle a mission de représenter. La solution aurait-elle été la même s’il s’était agi d’un contrat conclu avec un annonceur ?

 

Sur la qualité de mannequin, la Cour a retenu que, quoique l’influenceur recevait de l’agence des feuilles de route ou « briefs » contenant certaines instructions,
Il « demeurait libre de réaliser des vidéos selon son propre style et de déterminer la manière selon laquelle il présentait le produit ».

 

D’après la Cour, les « mises en scène » créées par l’influenceur ne se limitaient pas à une reproduction de son image ou à des postes comme modèle, au sens de l’article L. 7123-2 du Code du travail. Par ailleurs, l’influenceur disposait d’une totale liberté de choix quant à la réalisation des campagnes qui lui étaient proposées par l’agence et pouvait refuser d’y participer, ce qui excluait alors tout lien de subordination avec l’agence.

 

Sur la qualité d’artiste-interprète aussi soutenue par l’influenceur, la Cour a ajouté que l’influenceur n’avait « aucun rôle prédéfini à jouer ni aucun texte à dire, dans le cadre de [ses] vidéos », ce qui était incompatible avec la définition visée par l’article L. 212-1 du Code de la propriété intellectuelle.

 

Force est de constater que la Cour fait grand cas du critère de lien de subordination qu’elle exclut en l’espèce dès lors que l’influenceur conservait une liberté dans le choix des missions, des sujets et de leur mode de réalisation.

 

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