Durant l’épidémie actuelle du COVID-19, l’interdiction des déplacements affecte logiquement les différentes formes de transport de personnes, qu’ils soient collectifs ou privés : leur fréquence se trouve réduite et des mesures spécifiques sont imposées aux opérateurs et aux voyageurs pour limiter les risques de contamination.
Dans le même temps, les pouvoirs publics sont confrontés à des besoins urgents de transports de professionnels de santé, au titre de leur mission de gestion et d’éradication du virus.
L’accord entre les compagnies de taxis et les autorités de santé portant sur le transport des soignants par taxi avec le financement des CPAM[1], en est une illustration parlante. Annoncé le 16 mars 2020 et visiblement mis en œuvre à la fin du mois de mars[2], il s’adresse prioritairement aux personnels soignants confrontés à des dépassements des amplitudes quotidiennes ou hebdomadaires autorisées ou affectés en cellule de crise ou encore aux personnels mobilisés par des établissements éloignés de leur domicile. Ce service doit aussi être mobilisable pour les personnels qui se retrouvent sans modalité de transport personnel ou en commun. En d’autres termes, le volume de professionnels de santé à véhiculer peut être conséquent.
Que prévoient les règles actuellement applicables à cette mobilité alors que le Parlement français vient d’adopter un dispositif d’état urgence sanitaire ?
Voici un éclairage sur les principales règles actuellement applicables dans le transport collectif, privé et le covoiturage, qu’il s’agit de ne pas confondre avec le transport sanitaire même si les déplacements concernent des professionnels de santé (I). Nous verrons également que les règles dérogatoires de la commande publique ou des réquisitions de biens, de services ou de personnes viennent compléter ce dispositif, impactant les offres de services des opérateurs de mobilité (II).
Bien que les déplacements soient interdits jusqu’au 15 avril 2020 (pour le moment) (article 3 du Décret n°2020-293 du 23 mars 2020), le maintien des transports publics collectifs est jugé nécessaire à l’activité indispensable (i) des personnels de santé ou aidants, (ii) des services de sécurité de l’exploitation des réseaux, ou encore (iii) des personnes participant à la production et à la distribution de l’alimentation (voir en ce sens Conseil d’Etat, Ordonnance du 22 mars 2020, req. n°439674).
Leur cadence est néanmoins adaptée et les opérateurs de transport public collectif routier, guidé ou ferroviaire de voyageurs, doivent respecter différentes mesures impératives, sous peine d’une interdiction de service de transport sur toutes les lignes concernées (article 6 du Décret n°2020-293 du 23 mars 2020) :
Les transports publics particuliers (taxis, VTC…), définis comme des prestations « effectuées à titre onéreux avec des véhicules de moins de dix places » (article L. 3120-1 du Code des transports) voient également leur activité se réduire drastiquement du fait du confinement et de l’interdiction induite des déplacements.
S’agissant là encore d’une activité exercée à titre professionnel, le Gouvernement leur a imposé la mise en œuvre de diverses mesures de protection :
Ces mesures concernent également les personnes en situation de handicap ou à mobilité réduite, et doivent être articulées avec les obligations relatives au transport de malades assis, lorsqu’elles s’appliquent.
Le covoiturage, auquel la nouvelle Loi d’orientation des mobilités (la « LOM ») est venue donner une place importante dans l’offre de mobilité, est défini à l’article L. 3132-1 du Code des transports comme : « l’utilisation en commun d’un véhicule terrestre à moteur par un conducteur et un ou plusieurs passagers, effectuée à titre non onéreux, excepté le partage des frais, dans le cadre d’un déplacement que le conducteur effectue pour son propre compte ».
Il peut tout particulièrement concerner et faciliter les parcours quotidiens des soignants mobilisés dans la lutte contre le COVID-19.
Le covoiturage ne fait l’objet d’aucune mesure spécifique dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire, que ce soit au titre des transports privés ou publics.
Quoiqu’il en soit, durant la crise sanitaire, chaque personne participant au covoiturage devra respecter les conditions suivantes :
En outre, qu’il s’agisse du conducteur proposant un covoiturage à des tiers, ou des passagers, il semblerait prudent de suivre les mesures s’imposant aux taxis et VTC, même si ces mesures, en tant que telles et en théorie, ne s’imposent pas aux covoitureurs. Pour les plateformes de covoiturage, il est recommandé d’inciter expressément leurs abonnés, dans les conditions générales d’utilisation de la plateforme, à respecter scrupuleusement l’ensemble des mesures applicables en identifiant clairement ces différentes mesures.
Le transport sanitaire désigne « tout transport d’une personne malade, blessée ou parturiente, pour des raisons de soins ou de diagnostic, sur prescription médicale ou en cas d’urgence, effectué à l’aide de moyens de transports terrestres, aériens ou maritimes, spécialement adaptés à cet effet »
(article L. 6312-1 du Code de la santé publique).
Ce mode de transport est bien sûr fortement mobilisé dans le cadre de l’épidémie actuelle du COVID-19.
Une fiche détaillant la conduite à tenir pour les transporteurs sanitaires en contact direct avec un patient suspect ou confirmé d’infection au COVID-19, a été publiée par le Ministre des Solidarités et de la Santé le 27 mars 2020 [3] :
Par ailleurs, si les passagers d’un véhicule de transport sanitaire restent soumis aux différentes contraintes générales prévues par le dispositif d’urgence sanitaire s’appuyant sur la loi n°2020-290 du 23 mars 2020, ils bénéficieront vraisemblablement des mesures dérogatoires prévues par ce même dispositif.
Plus particulièrement, ils pourront bénéficier, selon le contexte, de la dérogation liée aux déplacements réalisés pour motifs de santé telle que prévue à l’article 3 I 3° du Décret n°2020-293 du 23 mars 2020 et qui est formulée ainsi : « (…) Déplacements pour motifs de santé à l’exception des consultations et soins pouvant être assurés à distance et, sauf pour les patients atteints d’une affection de longue durée, de ceux qui peuvent être différés ; (…) ».
Rappelons que cette dérogation prévue dans le Décret du 23 mars 2020, constitue une version modifiée du dispositif initialement prévu par le Gouvernement. En effet, le Conseil d’Etat a considéré, en référé, que la dérogation initialement prévue pour les « déplacements pour motif de santé » (cf. article 1er du Décret n°2020-260 du 16 mars 2020), sans autre précision quant à leur degré d’urgence, pouvait être inexactement interprétée et devait donc être précisée (CE, Ord., 22 mars 2020, req. n° 439674). C’est pour se conformer à cette injonction du Conseil d’Etat, que cette dérogation pour motif de santé, a été précisée à l’article 3 I 3° du Décret 2020-293 du 23 mars 2020 dans la rédaction plus complète et donc plus restrictive, visée ci-dessus.
Dans ce contexte de baisse drastique de l’offre de transport du fait des mesures de confinement, les personnes publiques peuvent être appelées à mobiliser certains transporteurs pour faire face à leurs besoins urgents dans la lutte contre l’épidémie de COVID-19.
La mobilisation des opérateurs professionnels de mobilité pourrait s’effectuer en concluant des marchés publics avec les collectivités. Compte tenu de l’état actuel d’urgence sanitaire, le Ministère de l’Economie français et la Commission européenne ont tous deux confirmé la possibilité pour les acheteurs d’utiliser les mesures dérogatoires du droit de la commande publique applicables en cas d’urgence, à savoir :
Notons toutefois une divergence entre le droit interne et le droit européen sur ce point : si en droit interne, le contrat peut être conclu sans publicité ni mise en concurrence préalable en cas d’urgence impérieuse (cf supra), la Commission européenne considère que cette circonstance ne dispense pas de mise en concurrence lorsque plusieurs opérateurs économiques peuvent répondre aux besoins (Communication, p. 4).
La caractérisation d’une urgence « simple » ou impérieuse liée à la mobilisation d’un transporteur nécessite une analyse au cas par cas. En tout état de cause, de telles procédures dérogatoires ne sont utilisables que pour les montants et la durée strictement nécessaires à la satisfaction des besoins urgents.
La mobilisation des services de mobilité peut également s’effectuer dans le cadre de réquisitions unilatérales (article L. 3131-15 du Code de la santé publique). Leur champ d’application dans le cadre de l’épidémie de COVID-19, a été précisé par l’article 12-1 du Décret 2020-293 du 23 mars 2020 (modifié sur ce point par le Décret n°2020-384 du 1er avril 2020).
L’exemple, visé au III de cet article 12-1, de la réquisition des aéronefs civils et des personnes nécessaires à leur fonctionnement, est particulièrement parlant au regard de l’actualité des déplacements interrégionaux de patients atteints du Covid-19.
Cette disposition autorise le préfet, si l’afflux de patients ou de victimes ou la situation sanitaire le justifie, à ordonner par des mesures générales ou individuelles, la réquisition de tout bien, service ou personne (notamment professionnel de santé) nécessaire au fonctionnement :
Ces réquisitions font l’objet d’une indemnisation tenant compte de la seule perte effective (matérielle, directe et certaine) imposée au prestataire, à l’exclusion de tout bénéfice net ou profit (article R. 2234-1 du Code de la défense).
[1] https://solidarites-sante.gouv.fr/IMG/pdf/mobilisation_taxis__soignants_covid-19.pdf.
[2] Voir le communiqué de presse du Ministre des Solidarités et de la Santé du 27 mars 2020 :
https://solidarites-sante.gouv.fr/IMG/pdf/200327_-_cp_-_taxis_vtc.pdf.
[3] https://solidarites-sante.gouv.fr/IMG/pdf/fiche_transporteurs_sanitaires.pdf
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