[Décryptage] La Fiscalité en 2020 sera résolument pénale !

04/02/20
[Décryptage] La Fiscalité en 2020 sera résolument pénale !

Nouveau concept de plateformes en ligne délinquantes, exploitation des données rendues publiques par les utilisateurs des réseaux sociaux, appel à la délation… la loi de finances 2020 renforce la lutte contre la fraude fiscale et bouleverse le paysage des acteurs du numérique en particulier. Le décryptage de Pascale Farey Da Rin, associée chez De Gaulle Fleurance & Associés.

 

Depuis la loi de lutte contre la fraude fiscale du 23 octobre 2018, les mesures visant à réprimer la fraude fiscale, l’évasion fiscale et, partant, l’érosion de la base fiscale nationale ne cessent de fleurir.

Après des dispositifs anti-abus assez efficaces, l’administration fiscale a mis les bouchées doubles et opté pour une approche plus coercitive.

L’ère pénale de la pratique fiscale ouvre un nouvel ordre fiscal à la fois pour les contribuables (qu’il s’agisse de sociétés ou de personnes physiques) mais aussi pour leurs conseils.

Derrière des dispositifs aux noms de code peu parlants et barbares – IFRIC 23, DAC 6 -, se profile la volonté marquée de l’administration fiscale de responsabiliser les contribuables mais aussi de resserrer l’étau de ce qu’elle considère être des mauvaises pratiques pénalement répréhensibles.

Cette approche pénale s’inscrivant dans une ère numérique, les plateformes en ligne ont été aux premières loges des nouveaux dispositifs de la loi de finance de 2020 avec en particulier la mise en œuvre d’une responsabilité solidaire des exploitants de plateformes abritant les activités d’assujettis sans mettre en œuvre les mesures nécessaires au recouvrement de la TVA due par ces derniers[1] ou encore facilitant la vente à distance en ligne[2].

 

NAME & SHAME

Afin de rendre les sanctions financières encore plus dissuasives, la Loi de Finances pour 2020[3] a même, dans la droite ligne des sanctions réputationnelles (Name & Shame) qui ont émergé de la loi du 23 octobre 2018 de lutte contre la fraude fiscale, entériné la publication sur le site de l’administration fiscale d’une liste des opérateurs de plateformes considérés comme non coopératifs.

Des ETNC (Etats non coopératifs) aux PFNC (plateformes non coopératives), il n’y avait qu’un pas que la loi de finances pour 2020 a franchi.

En filigrane, il y a la volonté affichée du législateur de s’assurer de la pleine coopération des opérateurs de plateformes, avec le spectre d’avoir leur identité ternie dès lors qu’ils seront, en cas de non-respect répété de leurs obligations fiscales sur le territoire national, nommément présentés comme faisant partie des plateformes les moins respectueuses de leurs obligations fiscales.

Ainsi, nul doute que le nouveau concept de plateformes délinquantes issu de la loi de Finances pour 2020, en cherchant à assurer la transparence et l’amélioration de la concurrence dans le secteur numérique, risque de bouleverser le paysage des acteurs du numérique.

 

APPEL A LA DELATION

Dans la veine des dispositifs destinés à lutter contre la fraude fiscale, les domiciliations fiscales douteuses et les activités occultes, la loi de Finances de 2020[4] a enfoncé le clou en entérinant l’exploitation des données accessibles des réseaux sociaux et plateformes en ligne, donnant ainsi la possibilité aux administrations fiscale et douanière de « piocher » dans les données rendues publiques par leurs utilisateurs , des informations pour constater et révéler des manquements fiscaux répréhensibles.

Les modalités pratiques de mise en œuvre d’un tel dispositif devront faire l’objet de mesures fixées par un décret en Conseil d’Etat avec le concours de la CNIL dès lors qu’il s’agit de l’exploitation de données personnelles et partant, potentiellement sensibles.

Toujours dans la même perspective de lutte contre les domiciliations fiscales fictives et de volonté de rapatriement national des bases fiscales indûment « délocalisées », la loi de finances pour 2020[5] a institué une présomption de domiciliation fiscale en France à l’encontre des dirigeants des grandes entreprises françaises dans un contexte de direction, il est vrai, fortement internationalisée.

Enfin, la boucle est bouclée avec un appel à la délation assumé, la loi de finances pour 2020[6] étendant le dispositif des aviseurs fiscaux, pérennisé par la loi de lutte contre la fraude fiscale de 2018, aux cas de fraude fiscale importante. Désormais et au moins pendant les deux ans d’essai prévus pour tester ce dispositif, l’administration fiscale pourra inciter les personnes étrangères aux administrations publiques à révéler les informations présentant un intérêt fiscal significatif (c’est-à-dire avec des enjeux financiers associés supérieurs à 100 000 Euros) avec à la clef une indemnisation !

 

Ce florilège de mesures issues de la loi de finances pour 2020 vient compléter l’arsenal fiscalo-pénal qui s’est progressivement déployé depuis environ deux ans, conduisant inéluctablement à une insécurité fiscale et à une nouvelle approche dans la gestion des contrôles fiscaux.

 

 

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[1] Article 182 de la Loi de finances 2020.

[2] Article 147 de la Loi e Finances 2020 transposant la directive européenne sur le commerce électronique.

[3] Article 149 de la Loi de finances 2020.

[4] Article 154 de la Loi de finances pour 2020.

[5] Article 13 de la Loi de finances pour 2020 : seront présumés avoir leur domicile fiscal en France les dirigeants (Président, directeur général, directeur général délégué, membres du directoire, gérants etc.) d’entreprises dont le siège est en France ET réalisant un chiffre d’affaires annuel supérieur à 250 millions d’Euros.

[6] Articles 174 et 175 de la Loi de finances 2020.

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