De la bonne gestion des mesures fiscales des stimulus packages

05/05/20
De la bonne gestion des mesures fiscales des stimulus packages

L’attention des sociétés impactées ou pouvant l’être par les conséquences économiques du Coronavirus s’est focalisée sur l’obtention de liquidités (ou l’accès à des liquidités en cas de besoin).

Les stimulus packages votés au sein de nombreux états OCDE contiennent, pour certains d’entre eux, des dispositions fiscales qui intéressent les dirigeants des entreprises françaises ayant des implantations à l’international.

Les départements financiers des sociétés françaises présentes à l’international peuvent dès maintenant analyser les conséquences financières et les opportunités de bonne gestion fiscale de ces mesures qui ont été votées pour la plupart dans les derniers jours ou semaines.

 

Ils pourront ainsi, si les circonstances sont réunies, faire bénéficier leur entreprise d’un avantage économique et potentiellement d’une nouvelle source de liquidités. Ces éventuelles conséquences positives se traduiront également comptablement (y compris en IFRS).

Cette analyse sera d’autant plus importante si les sociétés françaises ont réalisé au cours des années récentes des opérations de croissance externes dans les pays où ces dispositifs ont été mis en place.

 

Il est par exemple intéressant de constater que les Etats-Unis[1] peuvent apporter une réponse efficace, dans le contexte de la pandémie, en utilisant le levier fiscal afin d’améliorer les liquidités des entreprises présentes sur leur territoire.

 

 

1- L’importance de l’accès à la liquidité

De nombreuses multinationales françaises ont obtenu, au cours du mois d’avril 2020, l’accès à des liquidités. Certaines ont émis des obligations, d’autres ont négocié des lignes de crédit auprès de leurs « core » banques et/ou ont demandé à bénéficier des Prêts Garantis par l’Etat.

 

2- Le problème

Depuis le début de la crise sanitaire actuelle, non seulement les opérations en France mais également les opérations à l’étranger de nombreuses multinationales françaises ont été très perturbées. Cela a mécaniquement engendré une réduction massive des flux financiers depuis les filiales vers la maison mère française, que ce soit sur les flux intragroupes traditionnels (prêts internes, redevances, management fees etc.) ou sur les dividendes. Comme une partie de ces revenus en provenance de l’étranger est traditionnellement utilisée afin de permettre à la société mère française de payer et rembourser sa dette externe, les multinationales ont dû rapidement trouver une solution temporaire et rapide d’accès à la liquidité.

 

Les stimulus packages, quand ils modifient les règles fiscales, peuvent aussi apporter une solution intéressante pour accéder à court terme ou à moyen terme à de nouvelles liquidités.

 

3- Les opportunités financières des dispositifs fiscaux des stimulus packages de certains pays OCDE peuvent bénéficier aux multinationales françaises

 

L’objectif est simple : il consiste à augmenter la déductibilité fiscale des flux financiers qui prennent leurs origines en dehors de France, y compris sur les flux intragroupes quand cela est possible, et de bénéficier des conséquences économiques (et surtout financières) des options fiscales nouvellement adoptées (particulièrement en matière de report en avant ou arrière des déficits).

 

Illustration :

Prenons comme exemple une société française qui détient une filiale américaine d’une taille significative. Traditionnellement, cette filiale est financée par la société mère française via un mix savamment étudié de dette et de capital.

 

  • 3-1 Déductibilité des intérêts

Le USA CARES ACT[2] récemment voté aux Etats-Unis modifie l’article 163(j) du code fiscal américain, une section bien connue des praticiens, dans un sens favorable pour les entreprises américaines et donc également pour les filiales américaines d’une multinationale française. Concrètement, pour les exercices 2019 et 2020 (dont les déclarations fiscales n’ont pas encore été déposées), les entreprises américaines pourront déduire de leur résultat fiscal des charges financières représentant non plus les 30% d’un EBITDA retraité fiscalement mais pourront déduire une part plus importante jusqu’à 50% du même EBITDA retraité. Mécaniquement toute augmentation des charges déductibles devrait entrainer une diminution de la base fiscale localement.

Si la filiale américaine du groupe français peut se prévaloir de cette disposition telle qu’amendée dans le USA CARES ACT, elle devra néanmoins prendre en considération les règles BEAT[3] prévues dans le cadre de la réforme fiscale mise en place au début du mandat du Président Trump dans le Tax Cuts and Jobs Act de 2017 (le TCJA) et qui prévoient une taxation spécifique des flux intragroupes déductibles aux Etats-Unis. Il appartiendra à la multinationale de bien étudier, depuis la France, les meilleurs moyens dont elle dispose pour essayer de bénéficier de la déductibilité fiscale supplémentaire des frais financiers tout en contrôlant les effets liés à la taxation spécifique BEAT. Le cas échéant, elle devra modifier sa manière de financier sa filiale pour préserver sa capacité de déduction jusqu’à 50% de l’EBITDA retraité.

 

  • 3-2 Reports en arrière des déficits

Le TCJA de 2017 prévoyait que les reports déficitaires des années 2018 et suivantes ne pourraient pas faire l’objet d’un report en arrière. Le USA CARES ACT permet le report en arrière de déficits fiscaux des années 2018 et suivantes (mais préalablement au 1er janvier 2021) jusqu’à 5 ans. Concrètement, cela permet aux sociétés américaines (y compris les filiales locales des multinationales françaises), en cas de pertes fiscales réalisées aux Etats-Unis, de pouvoir demander un remboursement d’impôt sur les années passées dont certaines sont antérieures au TCJA et pour lesquelles l’impôt sur les sociétés était à l’époque calculé, au niveau Fédéral, à un taux de 35%.[4]

 

  • 3-3 Report en avant des déficits

Avant la crise sanitaire actuelle, et comme prévu par le TCJA de 2017, les reports déficitaires ne pouvaient être reportés en avant qu’à hauteur de 80% du résultat taxable de l’entité américaine. Dans le USA CARES ACT, cette limite maximale ne s’applique plus pour les années fiscales antérieures au 1er janvier 2021. Ce nouveau dispositif permet potentiellement de libérer immédiatement des disponibilités au niveau du sous-groupe américain.

 

Dans ce contexte, il est légitime de s’interroger sur les mesures que peuvent actionner immédiatement les multinationales françaises :

 

Dans notre exemple,

  • Si la multinationale française a réalisé une ou plusieurs opérations de croissance externe au cours des dernières années aux Etats Unis, elle devrait relire la documentation juridique, retravailler les modèles financiers et les financements mis en place pour réaliser et financer ces opérations afin de déterminer les meilleures options pour bénéficier des nouvelles règles américaines en gardant sous contrôle les règles sanctions qui s’appliquent principalement aux actionnaires étrangers (BEAT). Il est fort possible qu’un refinancement puisse ou doive être envisagé. Il faudra aussi regarder qui de l’acquéreur ou du cédant pourra disposer de l’avantage économique lié à l’imputation des carry back / carry forward et quelle partie devra se charger de la demande auprès des autorités.
  • Si la société française pense acquérir une société cible aux Etats-Unis, elle devra faire particulièrement attention au schéma de financement retenu (y compris dans le modèle financier d’acquisition) et à la documentation/structure juridique à mettre en place afin de recevoir, à un moment où la question de la liquidité est si importante, suffisamment de cash flows en provenance des Etats-Unis.

 

Il ne s’agit pas de faire uniquement un focus sur les Etats-Unis où d’autres actions peuvent aussi être menées, comme par exemple sur les AMT crédits, mais plutôt de montrer concrètement les conséquences en matière de liquidité que peuvent apporter les mesures fiscales mises en place dans quelques pays OCDE depuis le début de la crise sanitaire.

 

Ces mesures mettent en avant la volonté d’un certain nombre d’Etats d’utiliser également le levier fiscal afin de financer à court et moyen terme les entreprises. Tout bon usage de ces mesures aura un effet direct sur les comptes des entreprises en social comme en consolidé (IFRS).

 

Nos équipes peuvent vous assister dans l’analyse de ces différents leviers économiques et leurs conséquences juridiques au travers des contrats d’acquisition signés ou à signer comme par exemple au sein des LOI, SPA, financements intragroupe, accords de cash-pooling, accord sur les redevances, management fees etc.) dans cette période où l’accès à la liquidité s’avère crucial pour bon nombre d’entreprises.

 

Depuis la France, nos experts peuvent vous conseiller sur la manière de combiner aux mieux les règles françaises avec les stimulus packages afin de pouvoir bénéficier des conséquences favorables de la fiscalité internationale. Notre société « full service » est là pour vous aider.

 

 

 

 

 

 

[1] Et certains pays européens

[2] Coronavirus Aid, Relief and Economic Security Act est la réponse du Congrès et de la maison blanche à la pandémie du Coronavirus.

[3] Base Erosion and Anti-abuse Tax est une taxation minimum où l’entreprise américaine recalcule son impôt Federal américain en ajoutant à sa base fiscale les charges déductibles nées de transactions intragroupes.

[4] Le taux actuel de l’impôt sur les sociétés au niveau Fédéral américain est de 21%.