Crise : quelles solutions de financement pour les entreprises ?

07/05/20
Crise : quelles solutions de financement pour les entreprises ?

Pourquoi la question du financement est-elle centrale pour les entreprises françaises après seulement quelques semaines de crise ?

 

Depuis la crise financière de 2008, la BCE a régulièrement fait des injections massives auprès des banques européennes pour soutenir leurs économies. Le coût de l’argent a baissé et est resté très bas ces dernières années. Les entreprises ont mis en place des stratégies adaptées pour se financer sur le marché : emprunter les seuls montants nécessaires à leurs besoins et investissements à plus court terme sans constituer des provisions de liquidité, sachant que les liquidités sont facilement disponibles et restent bon marché. Nous étions dans un marché pro-emprunteur où la concurrence bancaire était forte pour placer ses crédits et placements.

 

La crise sanitaire actuelle met en exergue le fait que les entreprises n’ont pas suffisamment de trésorerie de côté pour faire face à cette crise qui diminue, pour certaines d’entre elles, drastiquement leurs recettes sans nécessairement beaucoup réduire leurs charges.

 

Quelles sont les mesures d’urgences nationales et européennes ?

 

Dès avant l’annonce du confinement en France, la BCE a mis en place le « programme d’achat urgence pandémique » de dette privée et publique à hauteur de 750 milliards d’euros, approvisionnant ainsi des investisseurs institutionnels en liquidités destinées aux entreprises. Ce plan devrait durer jusqu’en fin d’année.

 

En France, hormis tout un arsenal de mesures de baisses ou reports de charges des entreprises, de suppression de pénalités et d’accélération des instructions de crédit pour des entreprises ayant une situation de trésorerie tendue, plusieurs dispositifs ont été mis en place :

  • Prêts bancaires garantis par l’Etat pouvant atteindre 3 mois de chiffre d’affaires avec un coût de garantie variant de 0,25 à 0,50% (selon la taille de l’entreprise) et exonération de marge bancaire pendant un an.
  • Prêts garantis par la BPI pour les entreprises affectées par la crise sanitaire, sans sûretés ni garanties des dirigeants (avec différentes modalités sur les mobilisations de créances et autres instruments).
  • Fonds de solidarité permettant de consentir une aide d’urgence de 1.500 euros maximum aux plus petites entreprises.

 

Hormis ces mesures exceptionnelles, comment les entreprises peuvent-elles envisager de se financer cette année ?

 

Les grandes entreprises françaises ont continué à faire appel au marché financier et notamment au marché obligataire. Saint Gobain a ainsi emprunté 750 millions d’euros à 3 ans avec un coupon de 1,75%. Air Liquide a levé un milliard d’euros fin mars sur 5 ans avec un rendement de 1,022%. Engie a émis une obligation de 2,5 milliards d’euros pour un coupon de 1,71% sur 8 ans.

 

Toutefois, les parties du marché obligataire les plus risquées, le high yield, ont été enrayées.

 

Aux Etats-Unis, un modèle d’investissement rapide et souple semble une alternative incitative : le « Simple Agreement for Future Equity » (SAFE) connu sous le nom de BSA-Air. Le BSA-AIR peut s’apparenter à une levée de fonds classique dont le mécanisme aurait été simplifié. Ce mécanisme est décrit comme étant utile en tant de crise.

En pratique, lorsqu’il souscrit à un tel BSA (Bon de Souscription d’Actions), l’investisseur ne devient actionnaire que de manière différée. En effet, il n’entrera au capital social de la société qu’à la survenance d’un événement ultérieur, cet événement pouvant être un tour de financement ou un événement de liquidité.

L’intérêt de ce mode d’investissement est qu’il permet de repousser les négociations sur la valorisation, les termes et conditions du financement au jour de la réalisation de l’événement en question.

 

Les avantages du BSA-AIR pour la start-up :

  • L’absence d’émission de nouvelles actions : la société va profiter du versement du prix d’émission du BSA, pour autant la création des actions sera différée. Cela permet d’éviter la dilution des actionnaires existants et la baisse de la valeur des actions.
  • L’augmentation de ses fonds propres : la mise en place de BSA-AIR permet à la société d’augmenter ses fonds propres. Grâce à cela, elle peut rassurer les établissements bancaires dans l’optique d’obtenir un prêt professionnel plus facilement.
  • L’absence d’intérêt à payer : le BSA-AIR n’est pas un prêt et la société n’a donc aucun intérêt à payer.

 

Les avantages du BSA-AIR pour l’investisseur :

  • La souscription sur la base d’un taux décoté : afin de récompenser l’investisseur d’avoir investi dans la start-up au moment de son développement, il va bénéficier de conditions d’entrée avantageuses.
  • La possibilité de plus-value : la valeur de l’action peut augmenter avec le développement de l’entreprise, tandis que le prix de souscription du BSA-AIR reste fixe. Aussi, si l’entreprise se développe, l’investisseur peut réaliser une véritable plus-value.

 

Le capital-risque, qui assurait le financement des petites entreprises ou start-up, temporise actuellement. Il faut en effet plusieurs années pour qu’une start-up devienne rentable (quand elle survit) et ses investisseurs habituels (fonds d’investissement et business angels) sont actuellement moins friands de ce type de risques.

 

Les crédits corporate classiques (hors ceux garantis par l’Etat) sont moins nombreux, avec des marges plus élevées, des clauses plus contraignantes pour les entreprises : market-flex, effet négatif et aggravation de la situation sanitaire, les banques ne prennent plus de prises fermes en syndication mais montent des opérations en club-deal, etc.

 

Le financement de projet dans le domaine des énergies renouvelables se porte bien malgré le relèvement des marges bancaires (du fait de l’augmentation de leurs coûts de refinancement). Les projets sont en effet isolés dans des sociétés projet ad-hoc ; les prêteurs sont garantis par tous les aspects du projet et le risque du sponsor pèse moins que dans un crédit corporate classique. Cependant, il convient de rester attentif au risque de défaillance des cocontractants des société de projets.

 

Pour aller plus loin