Covid-19 : quels impacts sur les aides d’état ?

15/04/20
Covid-19 : quels impacts sur les aides d’état ?

La pandémie du virus Covid-19 que nous vivons amène les Etats à intervenir dans le fonctionnement économique des entreprises, certains secteurs étant particulièrement touchés, en particulier la santé, le tourisme, la culture, le commerce de détail et les transports. A cet égard, la Commission européenne a rappelé que le contrôle des aides d’Etat continuerait pendant cette période, mais qu’elle ferait preuve de souplesse et d’adaptation et s’efforcerait de réduire au maximum les délais d’examen.

 

Ainsi une page spécifique au cadre légal applicable au contrôle des aides d’Etat lors de la crise du Covid-19 a été créée sur son site Internet.

 

Les aides accordées par un Etat aux entreprises doivent être notifiées à la Commission pour être licites. A défaut, la Commission peut ordonner le remboursement par l’entreprise de l’intégralité de l’avantage obtenu.

 

1) Qu’est-ce qu’une aide d’Etat ?

Tout d’abord, il convient de rappeler que tous les concours étatiques ne sont pas des aides d’Etat au sens du droit européen :

  • Le bénéficiaire de la mesure d’aide doit être une entreprise, au sens du droit européen. Ainsi, le remboursement des frais de transport et la prise en charge du logement des personnels de santé appelés à se déplacer, ainsi que les aides apportées aux associations et organismes sociaux ne sont pas des aides d’Etat.
  • La mesure d’aide doit être accordée sur la base d’une sélection, pour qu’elle puisse perturber la concurrence. Ainsi le soutien apporté par l’Etat à l’ensemble des acteurs de l’industrie du tourisme n’est pas une aide d’Etat. De la même manière, si le Gouvernement décidait par ordonnance (comme il y est habilité par la loi d’urgence) de suspendre ou d’aménager certaines modalités d’exécution des contrats d’affaires, une telle mesure, applicable à l’ensemble des acteurs économiques concernés ne serait pas une aide d’Etat au sens du droit européen.
  • La mesure d’aide, sous forme de soutien financier ou de prêt accordé par l’Etat n’est pas une aide d’Etat, au sens du droit européen, si elle a lieu au taux et dans les conditions du marché.

Ensuite, si la mesure est une aide d’Etat, au sens du droit européen, elle doit être notifiée par l’Etat à la Commission européenne, qui l’autorisera (ou l’interdira) selon les effets de cette mesure sur la concurrence sur le marché concerné.

Certaines mesures sont toutefois exemptées de contrôle par la Commission, si certaines conditions de seuil sont remplies. Ainsi, selon le secteur de l’aide (aide en faveur de l’investissement pour les PME, aide en faveur de la recherche et du développement, aide en faveur de la formation professionnelle…) certaines mesures n’auront pas à être notifiées, ni autorisées par la Commission européenne.

En outre, s’agissant du montant de l’aide, les aides d’un montant global inférieur à 200 000 € sur une période totale 3 ans ne requièrent pas l’autorisation de la Commission.

 

2) Les dispositifs applicables en temps de crise sanitaire

La Commission rappelle que le cadre juridique actuel est tout à fait adapté au contrôle des aides d’Etat, même lors d’une crise telle que celle du Covid-19. En effet plusieurs instruments déjà applicables permettent des procédures spécifiques prenant en compte les éléments de contexte :

  • Les « évènements extraordinaires » de l’article 107(2)(b). La Commission européenne a expressément confirmé que la crise actuelle constituait un tel événement extraordinaire. Ainsi, les mesures et plans d’action pris par les Etats pour venir en aide à un secteur économique entier (tel que le tourisme, la restauration, le transport aérien…) pourraient être approuvés rapidement s’ils visent à compenser les préjudices directement liés à l’épidémie de Covid-19 et s’ils s’en tiennent à ce qui est strictement nécessaire à la réparation de ce préjudice.
  • Les aides d’urgence en faveur du sauvetage et de la restructuration des entreprises de l’article 107 (3)(c). Ce fondement peut être utilisé pour faire approuver une aide d’état par la Commission européenne, et peut servir de fondement pour une mesure plus spécifique ne rentrant pas dans le champ d’application de l’article 107(2)(b).

 

Enfin, la Commission européenne a adopté, le 19 mars 2020, un cadre temporaire, similaire à celui qu’elle avait déjà appliqué lors de la crise financière en 2008, ainsi qu’un modèle de formulaire de notification spécifique. Ce cadre temporaire est applicable du 19 mars 2020 au 31 décembre 2020. A titre de comparaison, le cadre qui avait été adopté en 2008 pour favoriser l’accès au financement dans le contexte de la crise économique et financière avait été étendu plusieurs fois jusqu’au 31 décembre 2011.

 

En application des principes généraux, l’Etat membre doit notifier la mesure d’aide à la Commission et démontrer qu’elle est nécessaire, proportionnée, et apte à remédier une distorsion de concurrence sur le marché. Le cadre temporaire identifie 5 catégories d’aides qui peuvent, sous conditions être autorisées :

  • Les subventions directes, avantages fiscaux et avances remboursables, pour répondre aux besoins urgents de trésorerie des entreprises, peuvent être autorisés notamment si elles n’excèdent pas 800 000 € par entreprise.
  • Les aides sous forme de garantie sur les prêts contractés par les entreprises peuvent être autorisées à condition, notamment que la garantie (i) soit d’une durée inférieure à 6 ans, (ii) soit accordée avant le 31 décembre 2020 et (iii) ne couvre pas plus de 90% du prêt. Des conditions spécifiques sur le montant total du prêt et de la prime existent également, en fonction de la durée de l’emprunt, de la masse salariale et du chiffre d’affaire ou besoin de liquidités de l’entreprise.
  • Les aides sous forme de prêts à taux bonifié peuvent être autorisées notamment si le taux d’intérêt est au moins égal au taux applicable au 1e janvier 2020, majoré de la prime de risque. Le taux diffère en outre, selon la durée de l’emprunt et selon que le bénéficiaire est une PME ou une grande entreprise. Enfin, les aides sous forme de prêts à taux bonifiés et sous forme de garantie d’emprunts bancaires ne peuvent être cumulées.
  • Les aides sous forme de garanties et de prêts acheminés par des établissements de crédit ou d’autres établissements financiers ne seront pas considérées comme des aides aux banques, mais comme des aides à leurs clients. La Commission donne également des orientations sur la possibilité de réduire autant que possible toute aide indue aux banques, et pour veiller que l’aide est bien répercutée sur les bénéficiaires finaux,
  • L’assurance-crédit à l’exportation à court terme bénéficiant du soutien des Etats membres ne sera exemptée qu’à condition que (i) un grand organisme privé international de renom pratiquant l’assurance-crédit à l’exportation et un organisme d’assurance-crédit national démontrent que cette couverture n’est pas disponible ou (ii) au moins quatre exportateurs bien établis dans l’État membre fournissent des preuves du refus des assureurs de couvrir certaines opérations spécifiques.

A noter : ces aides ne peuvent être autorisées, sur le fondement de ce cadre temporaire que si :

  • Les entreprises bénéficiaires n’étaient pas en difficulté économique avant le 31 décembre 2019, mais ont connu des difficultés par la suite en raison de l’épidémie. A défaut, un autre régime d’aide, spécifique aux entreprises en difficulté est prévu.
  • Les montants des aides sont systématiquement calculés en montants bruts.

 

Le 27 mars 2020, la Commission européenne a soumis pour consultation aux Etats membres une proposition de modification de ce Cadre temporaire, visant à étendre les mesures d’aides qui pourraient être autorisées. Cela concerne notamment les aides apportées dans le domaine de la R&D, les aides apportées à la production des équipements de santé et matériel médical nécessaire lors de la crise (vaccins, matériel de protection et désinfectant…), aides ciblées sous la forme de subvention de certains salaires ou de report de cotisations sociales pour éviter des licenciements massifs dans les secteurs économiques les plus touchés.

 

Une seconde consultation a été envoyée aux Etats membres le 9 avril, dans le but de recueillir leurs commentaires sur l’extension du champ d’application du cadre temporaire, permettant aux Etats d’investir dans les entreprises dans le besoin. La Commission a précisé que ce mécanisme particulièrement attentatoire aux règles de concurrence ne devrait être adopté qu’en dernier recours, et serait soumis à plusieurs conditions de bonne gouvernance, de durée, de rémunération, ainsi que sur les modalités d’entrée et de sortie du capital des entreprises en question.

 

Enfin, il convient de rappeler que les États membres disposent de diverses options en dehors du champ d’application du contrôle des aides d’État assuré par l’UE et qu’ils peuvent mettre en place sans aucune intervention de la Commission. Il s’agit notamment de mesures applicables à toutes les entreprises mises en place notamment par l’Etat français, comme l’octroi de subventions salariales, la suspension du paiement de l’impôt sur les sociétés et de la taxe sur la valeur ajoutée ou des cotisations sociales, ou d’un soutien financier direct aux consommateurs en cas d’annulation de services ou de billets qui ne sont pas remboursés par les opérateurs concernés.