Le 30 avril 2020
Depuis la crise sanitaire actuelle, des mesures exceptionnelles ont été prises dont un régime de suspension du recouvrement des loyers et charges des baux professionnels et commerciaux pour les petites entreprises (pour plus de précisions sur son champ d’application voir notre précédent article intitulé « L’ordonnance n°2020-316 du 25 mars 2020[1] et c’est tout ? »).
Bien que ce régime de suspension du recouvrement n’implique nullement une suspension de l’exigibilité des dettes locatives, bon nombre de preneurs ont, avec ou sans l’accord de leur bailleur [2], interrompu tout paiement, le plus souvent les loyers et charges dus au titre du 2ème trimestre 2020 et exigibles au 1er avril 2020.
C’est d’ailleurs dans ce contexte que le gouvernement a appelé les bailleurs et les preneurs à une concertation, annoncé préparer un code de bonne conduite et nommé un médiateur en la personne de Madame Jeanne-Marie Prost (ancienne médiatrice nationale du crédit et présidente de l’observatoire des délais de paiement) en vue de concilier les parties (Source : Communiqué de presse n°2134 du Ministère de l’économie et des finances du 23 avril 2020).
En outre, et afin d’inciter les bailleurs à renoncer à une partie de leurs loyers, un amendement visant à faciliter les abandons de créances locatives a été adopté dans le cadre de la loi de finances rectificative pour 2020, permettant aux bailleurs de déduire fiscalement les abandons de créances de loyers consentis entre le 15 avril et le 31 décembre 2020 [3].
Ainsi, outre la mise en place d’aides financière dans le cadre de la création du fonds de solidarité « Covid-19 » [4], le Gouvernement fait tout son possible pour que les preneurs bénéficient également de franchises de loyers.
Le déconfinement progressif ayant cependant été annoncé par le Président de la République pour le 11 mai prochain [5], la fin de l’état d’urgence sanitaire est à ce jour fixée au 23 mai prochain à minuit [6] (précision étant ici faite qu’un projet de loi prorogeant l’état d’urgence sanitaire de deux mois, soit jusqu’au 24 juillet[7], devrait être examiné début mai au Parlement), ce qui implique à la fois :
Dans ce contexte, quelles sont les options qui s’offriront au preneur à bail commercial qui a dû cesser tout ou partie de son activité depuis le début de la crise sanitaire actuelle et qui a en conséquence interrompu le paiement de ses loyers et charges ?
Rappelons tout d’abord que dès la fin de la période de suspension du recouvrement, la totalité de la dette locative déjà exigible pourra être de nouveau recouvrée sous réserve de respecter le formalisme contractuel et légal notamment du commandement de payer visant la clause résolutoire, et qu’à cette créance déjà lourde viendra s’ajouter celle relative aux échéances suivantes, notamment les loyers et charges dus au titre du troisième trimestre 2020.
Ainsi, faute de disposer de fonds suffisants et de reprendre le plus rapidement possible une activité normale, ce qui parait d’ores et déjà compromis pour bon nombre de commerçants, nombreux risqueront de se retrouver rapidement dans une situation financière inconfortable face aux probables mesures de recouvrement engagées par leurs bailleurs.
Plusieurs solutions existeront alors pour le preneur :
étant précisé que l’ouverture d’une procédure collective à l’encontre du preneur ne fera qu’augmenter l’incertitude du bailleur quant au recouvrement à la fois de ses créances locatives et/ou de la disponibilité de ses locaux.
Bailleurs et preneurs ont donc tout intérêt à se rapprocher afin d’éviter une situation mutuelle financièrement risquée pour les deux parties et de parvenir à une solution à la fois équitable et supportable dans leur propre intérêt qui commande désormais de réinventer des solutions, telles que notamment :
Comme indiqué précédemment, il en va de l’intérêt de tous !
[1] Ordonnance n°2020-316 du 25 mars 2020 relative au paiement des loyers, des factures d’eau, de gaz et d’électricité afférents aux locaux professionnels des entreprises dont l’activité est affectée par la propagation de l’épidémie de covid-19, et notamment son article 4 ;
[2] Bien que des fédérations de bailleurs aient appelé à l’annulation de loyers et que certains bailleurs institutionnels (notamment la Banque des territoires via CDC HABITAT, CDC HABITAT SOCIAL et les SIDOM, ICADE, la COMPAGNIE DE PHALSBOURG, CEETRUS, filiale du groupe AUCHAN et SNCF GARES ET CONNEXIONS) auraient décidé d’accorder des franchises de loyers en conséquence de la crise, il apparait que cette position n’est pas celle adoptée par tous les bailleurs, étant de surcroît précisé que la majorité des bailleurs est constituée, directement ou indirectement, non pas par des investisseurs institutionnels mais par des particuliers pour lesquels l’octroi de franchise est susceptible de constituer une réelle difficulté économique (Source Business Immo et Le Monde) ;
[3] Pour plus de précisions sur les conditions de cette déductibilité, voir l’article 3 de la loi n°2020-473 du 25 avril 2020 de finances rectificative pour 2020 ; notamment le preneur doit être une entreprise sans lien de dépendance vis-à-vis du bailleur sauf à pouvoir justifier des difficultés de trésorerie du preneur lorsque celui-ci est une entreprise exploitée par un parent du bailleur ;
[4] En application de l’ordonnance n°2020-317 du 25 mars 2020 portant création d’un fonds de solidarité à destination des entreprises particulièrement touchées par les conséquences économiques, financières et sociales de la propagation de l’épidémie de covid-19 et des mesures prises pour limiter cette propagation, et du décret n°2020-371 du 30 mars 2020 relatif au fonds de solidarité à destination des entreprises particulièrement touchées par les conséquences économiques, financières et sociales de la propagation de l’épidémie de covid-19 et des mesures prises pour limiter cette propagation ;
[5] Discours du Président de la République du 13 avril 2020 ;
[6] En application de l’article 4 de la loi n°2020-290 du 23 mars 2020, d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19 ;
[7] Projet de loi prorogeant l’état d’urgence sanitaire, NOR : [ PRMX2010645L ] ;
[8] En application de l’article 4 de l’ordonnance n°2020-316 du 25 mars 2020 susmentionnée, ladite période ayant été instituée à compter du 12 mars 2020 ;
[9] Régie par les dispositions des articles L. 611-4 et suivants du Code de commerce ;
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