Covid-19 et sociétés : de nouvelles précisions sur les mesures d’urgence relatives aux assemblées générales

16/04/20
Covid-19 et sociétés : de nouvelles précisions sur les mesures d’urgence relatives aux assemblées générales

Sociétés : mesures d’urgence prévues par les ordonnances du 25 mars 2020 et mises en application par le décret du 10 avril 2020

Parmi les 26 ordonnances publiées le 25 mars 2019 en application de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de Covid-19, deux d’entre elles (n° 2020-318 et n° 2020-321) concernent l’établissement, l’arrêté et l’approbation des comptes des sociétés, ainsi que les conditions dans lesquelles les assemblées d’actionnaires et les organes dirigeants collégiaux de ces entités entités se réunissent et délibèrent.

L’ordonnance n° 2020-321 (ou l’« Ordonnance ») a été complétée par le décret n° 2020-418 du 10 avril 2020 pris par le Ministre de l’économie et des finances.

Les principales mesures prévues sont les suivantes :

 

1) Arrêté et approbation des comptes

Les sociétés (et plus généralement les personnes morales, et entités de droit privé dépourvues de personnalité morale) qui clôturent leurs comptes entre le 30 septembre 2019 et l’expiration d’un délai d’un mois suivant la cessation de l’état d’urgence sanitaire, bénéficient d’une prorogation de trois mois pour faire approuver leurs comptes.

Ce report n’est cependant pas applicable aux entités dotées d’un commissaire aux comptes, si celui-ci a émis son rapport avant le 12 mars 2020.

Sous cette réserve, les sociétés ayant clôturé leur exercice au 31 décembre 2019 pourront donc faire approuver leurs comptes jusqu’au 30 septembre 2019 sans avoir à en solliciter l’autorisation.

 

2) Assemblées générales et organes de direction

Champ d’application

L’Ordonnance vise l’ensemble des sociétés civiles et commerciales et les masses de porteurs de valeurs mobilières ou de titres financiers. Elle vise également un ensemble d’entités concernées par la tenue d’assemblées générales de leurs membres (GIE, mutuelles et organismes d’assurance, organismes sans but lucratif…).

 

Convocation des assemblées générales

Le décret n° 2020-418 (ou le « Décret ») précise que l’organe compétent afin de convoquer l’assemblée, ou le représentant légal agissant sur délégation de cet organe (étant précisé que cette délégation doit être établie par écrit, d’une durée limitée et mentionner la qualité du délégataire), peut décider que les membres de cette dernière peuvent adresser :

  • leurs instructions de vote[1] par message électronique ;
  • leurs mandats par message électronique ;

à l’adresse indiquée dans la convocation, lorsque les dispositions législatives ou réglementaires qui régissent l’assemblée, les statuts ou le contrat d’émission permettent aux membres de l’assemblée de voter par correspondance/de se faire représenter selon le cas.

 

Tenue des assemblées générales

i – Dispositions applicables à l’ensemble des entités visées au point 2. – « Champ d’application »

Le principal apport de l’Ordonnance est la possibilité de tenir l’assemblée générale à huis clos, c’est-à-dire hors la présence physique des membres et de toute autre personne ayant le droit d’y assister (par ex. commissaire aux comptes, membre du comité social et économique, huissier).

Alternativement, les actionnaires, et les autres personnes précitées, pourront participer à l’assemblée par voie de conférence téléphonique ou audiovisuelle. Dans cette hypothèse, les moyens utilisés doivent impérativement permettre :

  • d’identifier les participants ;
  • de transmettre au moins la voix des participants ; et
  • d’assurer une retransmission continue et simultanée des délibérations.

Sont réputés présents pour le calcul du quorum et de la majorité les membres qui participent à l’assemblée par un de ces procédés.

Le Décret précise par ailleurs les modalités d’établissement du procès-verbal de l’assemblée générale lequel doit faire mention du recours au huis clos et de la nature de la mesure administrative affectant le lieu de convocation ou de réunion.

Dans l’hypothèse d’une assemblée générale se tenant à huis clos, cette modalité supprime de facto, de façon exceptionnelle et temporaire, le droit des actionnaires de poser des questions orales ou de modifier les projets de résolution en séance.

Les mesures mises en place par l’Ordonnance sont en revanche sans effet sur les autres droits, tels que (i) le droit de voter, (ii) le droit de poser des questions écrites, et (iii) le droit de proposer l’inscription de points ou de projets à l’ordre du jour.

Concernant les conditions d’exercice du droit de vote, les moyens habituels prévus par les textes restent disponibles. Ainsi, en pratique, les associés voteront à l’assemblée par mandat donné à un autre associé (ou à toute personne autorisée par les statuts ou visée au I. de l’article L. 225-106 du Code de commerce), par voie de pouvoir donné au président de séance, ou par correspondance. En cas d’assemblée générale tenue par conférence téléphonique ou audiovisuelle, des solutions techniques de vote à distance via une plate-forme sont également envisageables. Enfin, le Décret rend possible le vote par voie électronique pour certaines sociétés (cf. ci-dessous).

ii – Précisions supplémentaires applicables aux sociétés à responsabilité limitée et à certaines sociétés par actions apportées par le Décret

L’organe compétent pour convoquer l’assemblée ou le représentant légal d’une société à responsabilité limitée ou d’une société par actions (à l’exclusion donc des SAS) peut décider que les associés ou les actionnaires peuvent voter aux assemblées par le biais de moyens électroniques de télécommunication dans les conditions prévues par le Code de commerce, sans qu’une clause des statuts ne soit nécessaire à cet effet[2].

Par ailleurs, lorsqu’un actionnaire donne mandat afin de le représenter[3] :

  • les mandats avec indication de mandataire, y compris ceux donnés par voie électronique ; et
  • les instructions adressées par le mandataire à la société ou à l’intermédiaire, par message électronique à l’adresse électronique indiquée par la société ou l’intermédiaire ;

peuvent valablement parvenir à la société jusqu’au quatrième jour précédant la date de l’assemblée générale.

Enfin, le Décret précise que, dans le cas des assemblées générales tenues à huis clos, si l’assemblée d’actionnaires ne peut être présidée par le président du conseil d’administration ou du conseil de surveillance ou, en son absence, par la personne prévue par les statuts, elle est présidée par la personne désignée à cet effet par le conseil d’administration ou le conseil de surveillance parmi ses membres ou, en cas d’indisponibilité, parmi les mandataires sociaux.

L’organe compétent pour convoquer l’assemblée ou son délégataire désigne dans ce cas deux scrutateurs, qu’il s’efforce de choisir parmi les actionnaires.

 

Tenue des organes de direction

Les organes collégiaux d’administration, de surveillance ou de direction (conseil d’administration, de surveillance, directoire, conseils « stratégiques » mis en place dans les SAS…) peuvent se réunir valablement par voie de conférence téléphonique ou audiovisuelle (sous les mêmes contraintes techniques que les assemblée générale), ou par consultation écrite.

L’apport de l’Ordonnance est de permettre ces modes de réunion même si les statuts ne le prévoient pas.

Ces dispositions s’appliquent quel que soit l’objet de la décision (notamment pour arrêter les comptes, contrairement à ce qui est normalement prévu dans les sociétés anonymes).

3) Application de l’Ordonnance et du Décret dans le temps

Les dispositions de l’Ordonnance et du Décret sont rétroactivement applicables aux assemblées et aux réunions des organes collégiaux d’administration, de surveillance et de direction tenues à compter du 12 mars 2020, et jusqu’au 31 juillet 2020 sauf prorogation ultérieure. Cette application rétroactive est susceptible de poser question pour les décisions déjà intervenues, ou dans les cas où les convocations ont déjà été décidées ou envoyées avant le 25 mars 2020, même si l’Ordonnance prévoit des mesures transitoires dans cette hypothèse.

Il semble résulter des termes de l’Ordonnance que si le confinement est levé entre la date de convocation et la date de tenue de l’assemblée générale, les dispositions exceptionnelles exposées ci-après relatives à la convocation et à la réunion des assemblées générales puissent s’appliquer jusqu’au 31 juillet 2020 (ou toute autre date ultérieure qui serait décidée par décret).

 

[1] Le cas échéant sous la forme prévue par les dispositions législatives ou réglementaires qui régissent l’assemblée, les statuts ou le contrat d’émission.

[2] Ces dispositions sont également applicables aux assemblées d’obligataires, de porteurs de titres participatifs et de porteurs de valeurs mobilières donnant accès au capital régies par l’article R. 228-68 du Code de commerce.

[3] Conformément à l’article L. 225-106 du Code de commerce.

 

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