Exploitation non autorisée par les plateformes Internet de contenu protégé : le casse-tète de la réforme européenne du droit d’auteur

30/11/16

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Le 16 novembre 2016, la Cour de justice de l’Union européenne a rendu sa décision dans l’affaire Soulier. Il en ressort que le consentement implicite de l’auteur pourrait suffire à confier à une société de gestion collective le droit de gérer l’exploitation de son œuvre sous forme numérique, à condition qu’il ait été préalablement informé de cette utilisation par la société d’auteurs.

La Cour de Justice joue ainsi à nouveau le rôle de législateur européen. Si cette mission pouvait se comprendre en droit d’auteur au regard de la Directive de 2001, dont le texte incomplet et imprécis constituait une première étape à l’ère du digital, il est décevant de constater qu’après de grandes déclarations sur l’harmonisation législative du droit d’auteur dans le Marché Unique Numérique, la Commission semble vouloir laisser la Cour faire une partie du travail à sa place. Cette constatation concerne en particulier le droit de communication au public de l’auteur.

La question des hyperliens fait l’objet d’une jurisprudence évolutive de la Cour de Justice, le dernier arrêt GS Media du 8 septembre invitant les ayant-droits à démontrer l’intention commerciale de l’opérateur de la mise en lien. Cette jurisprudence clarifie les conditions de la lutte contre la mise à disposition non autorisée de contenu protégé sur Internet, mais elle ne permet pas de résoudre aisément l’écart de valeur résultant de l’exploitation unilatérale par des plateformes telles que YouTube et Google sans rémunération directe des titulaires de droits.

Préciser la portée du droit de communication au public constituait donc un objectif très attendu de la réforme européenne du droit d’auteur. Or la Commission a renoncé à préciser cette notion dans le projet de Directive du 14 septembre.

A cet égard, au-delà du régime spécial de l’article 11 accordant aux éditeurs de presse un droit voisin géré par les sociétés de gestion collective sur l’utilisation en ligne par les plateformes de leurs publications, l’article 13 prévoit quant à lui l’obligation pour ces mèmes plateformes, hébergeurs de « grandes quantités d’œuvres », de coopérer avec les titulaires de droits en vue de prévenir la mise en ligne d’œuvres mises à disposition sans leur consentement, notamment par la mise en œuvre systématisée de techniques de reconnaissance de contenu (comme Audible Magic, Signature ou Content ID).

Cette coopération préventive soulève plus de questions qu’elle n’apporte de réponses pratiques, notamment en ce qui concerne la portée du consentement des titulaires de droit à la mise en ligne de leurs œuvres.

A cet égard, dans le projet de Règlement sur la lutte contre le géo-blocage, la Commission s’est engagée à ne pas remettre en cause la territorialité de l’exploitation des droits d’auteur sur le contenu digital. Ceci est indispensable au financement de la création, compte tenu des différences culturelles entre les différents Etats membres. Pourtant, dans l’enquète Sky TV, la Commission remet en cause des restrictions territoriales imposées contractuellement par six majors américaines au motif qu’elles seraient contraires au droit de la concurrence.

Dans ce contexte, les titulaires de droits pourront-t-il encore s’opposer au partage de contenu protégé sur une plateforme internet si les restrictions territoriales qu’ils ont définies en amont n’ont pas été respectées ? Les textes proposés par la Commission n’apportent pas la réponse, ce qui risque de compliquer la coopération avec les plateformes.

On peut donc espérer que le processus de consultation des parties intéressées en cours jusqu’à fin janvier 2017 va amener le Parlement à aborder la question du droit de communication au public de manière générale dans le cadre de la réforme du droit d’auteur en vue de faciliter la lutte contre la contrefaçon en ligne. Le rapport de la commission des affaires juridiques du Parlement est annoncé pour février.

 

Charles-Edouard Renault, avocat Associé
Olivia Klimis, avocat Senior Counsel

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