La Commission européenne consulte les acteurs du Big Data sur « la création d’une économie européenne fondée sur les données »

29/03/17

DSM6

 

Comme indiqué dans notre précédent post sur la proposition de réforme de la directive e-privacy, la Commission européenne a présenté, le 10 janvier dernier, une communication proposant des solutions en vue de « créer une économie européenne fondée sur les données ».

A ce titre, la Commission a décidé d’ouvrir une consultation sur « la création d’une économie européenne fondée sur les données », qui se déroulera jusqu’au 26 avril 2017 et doit contribuer à l’élaboration d’une éventuelle future initiative dans le courant de l’année 2017. Cette consultation s’adresse tant aux entreprises qu’aux consommateurs qui disposent encore d’un mois pour y répondre.

 

« Au lieu d’élever des frontières numériques, nous devrions concentrer nos efforts sur la mise en place d’une économie européenne fondée sur les données qui soit pleinement intégrée à l’économie mondiale des données tout en étant compétitive » Elżbieta Bieńkowska, commissaire

 

Localisation des données et libre circulation. La Commission déplore les restrictions nationales en matière de localisation des données, qu’elle qualifie de « frontières numériques » au sein du marché commun, potentiellement contraires au principe de « libre circulation des données » (corolaire pour la Commission à la libre circulation des services et à la liberté d’établissement). A titre d’exemple, la Commission fait notamment référence aux restrictions relatives à la localisation des données imposées par les pouvoirs publics sous couvert d’objectifs liés à la sécurité. Elle fait également observer, et semble regretter, que la tendance en Europe est à un renforcement de ce type de restrictions. Ce constat de la Commission apparait partagé par de nombreux Etats européens. Ainsi, en 2016, des ministres de 14 États membres (et plus tard même 16) ont demandé la suppression des obstacles injustifiés aux flux de données[1]. Parmi eux la Belgique, le Royaume-Uni ou encore la Suède. En revanche, la France avait, de son côté, fait savoir qu’elle était opposée à toute législation par l’intermédiaire d’Axelle Lemaire alors secrétaire d’État chargée du numérique [2].

Dans ce contexte, la Commission souhaite que la consultation en cours puisse alimenter sa réflexion quant à (i) la nature et les incidences des restrictions existantes en matière de localisation des données et ce, afin d’examiner leur proportionnalité et (ii) à la nature des mesures qui permettraient d’éliminer les restrictions injustifiées ou disproportionnées. Ainsi, la Commission interroge les contributeurs, non seulement sur leurs pratiques et les obstacles qu’ils peuvent rencontrer, mais recueille également leur opinion sur une potentielle élimination des restrictions en la matière au sein de l’Union européenne (et sur la forme que devrait prendre une telle intervention)[3].

 

Accessibilité et réutilisation des données. La Commission s’intéresse aux pratiques des entreprises en matière d’utilisation de données non personnelles ou anonymisées, et interroge les acteurs sur les éventuelles limites existantes, tant juridiques qu’économiques. Une attention particulière est portée aux données collectées par les objets connectés, pour lesquelles les contributeurs intéressés sont amenés à se prononcer sur des évolutions visant à en accroître le partage et l’accès (par exemple, via des licences obligatoires). On relèvera, plus particulièrement, la proposition de la Commission quant à la création d’un droit exclusif en faveur des producteurs de données brutes (droit sui generis de propriété intellectuelle), qui leurs permettraient d’attribuer des licences relatives à la réutilisation des dites données. La députée européenne Julia Reda (Verts/ALE) s’est clairement opposée, sur son blog, à une telle évolution qui selon elle, «générerait des coûts transactionnels immenses et une insécurité juridique énorme pour quiconque crée et réutilise des données, comme les chercheurs et les start-up innovantes. ».

 

Portabilité, interopérabilité et standardisation. Les parties prenantes sont interrogées sur l’opportunité d’une extension du droit à la portabilité aux données non personnelles (le RGPD prévoyant un tel droit pour les données personnelles), ainsi que sur l’adoption de standards ou de recommandations pour favoriser l’accessibilité et l’échange de ce type de données. On notera que de son côté, l’association European Digital Rights (Edri), qui défend la vie privée, reproche à la communication – et aux propositions de la Commission – d’utiliser des « concepts vagues et mal définis », attendant donc la suite, mais espérant des rapports « transparents » ainsi qu’une clarification.

 

La question de la responsabilité des objets connectés et systèmes autonomes est aussi posée, en complément d’une seconde consultation sur la Directive 85/374/CEE du 25 juillet 1985 relative aux produits défectueux (voir notre post « Consultation de la Commission européenne sur la responsabilité des objets connectés et des systèmes autonomes »).

 

Jean-Sébastien Mariez, Senior Counsel

Nina Gosse, Avocate

 


[1] Lettres à la Commission européenne : Politico (Mai 2016); Politico (Décembre 2016).

[3] Parallèlement à cette consultation, la Commission a précisé prendre en considération les conclusions de l’étude intitulée « Faciliter le flux de données transfrontalières dans le marché unique numérique » (SMART 2015/0016) de la London Economics et de toute autre contribution pertinente émise par les États membres et l’industrie.

 

Pour aller plus loin